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Persepolis

Émouvante adaptation de sa propre BD par Marjane Satrapi (et Vincent Paronnaud), ce dessin-animé autobiographique n'évoque pas tant les années sombres de l'Iran que notre propre rapport à la liberté. Christophe Chabert

Avant tout, dire ouvertement les choses : Persepolis est un film bouleversant, humaniste mais jamais mièvre, qui fait chialer souvent et rire à peu près tout le temps. C'est l'œuvre d'un petit bout de femme qui a la sagesse des vieux philosophes, la causticité des gamines espiègles qui veulent toujours avoir le dernier mot, la pugnacité des filles qui ne se laissent pas marcher sur les pieds par les fossoyeurs de liberté. Que Marjane Satrapi raconte ici sa propre histoire a le mérite de nous faire comprendre immédiatement d'où ce caractère-là tire sa sève - de l'adversité des temps traversés. Que cette histoire se confonde avec celle de l'Iran basculant de la monarchie à la République islamique, puis dans la dictature répressive lui confère une précieuse dimension pédagogique. Et qu'elle ne soit racontée qu'avec des images dessinées et animées permet de laisser de côté la question du réalisme, mélangeant sans encombre divagations imaginaires et sérieux documenté. Mais à vrai dire, Persepolis nous touche pour une autre raison...

Coup de clairon

Par-delà l'étonnante réussite graphique du film et ses partis pris casse-cous mais payants (comme la direction des acteurs qui prêtent leurs voix aux personnages, dans un numéro d'équilibrisme entre naturalisme et pur verbe de cinéma), c'est la façon dont Satrapi et Paronnaud nous envoient leurs idées en pleine poire qui sidère. Car si Persepolis parle de l'Iran d'avant, c'est l'Occident d'aujourd'hui qu'il regarde. Il faut voir comment Marjane et sa famille tiennent coûte que coûte à conserver leurs principes alors que tout les pousserait à se coucher devant l'oppresseur : le coup de clairon résonne alors dans nos consciences avachies. Un exemple en forme de subtil va-et-vient : exilée en Autriche, Marjane adolescente sympathise avec un groupe de punks de pacotille, et adopte rapidement leurs codes. Plus tard, dans une soirée, elle s'insurge du nihilisme crétin de ces jeunes gens pour qui la révolte n'est qu'une attitude facile. Adulte, revenue en Iran, mal mariée et pleurnichant sur son sort, c'est cette fois sa grand-mère qui lui fait la leçon sur le mode : «L'important, c'est de s'émanciper et d'être fidèle à soi-même !». Les questions posées par Persepolis trouvent dans sa forme la plus belle des réponses : l'évocation en noir et blanc de l'Iran des heures sombres est encadrée par la scène en couleurs de son arrivée en France. Les couleurs de la liberté ? Pas si simple, car il se dégage une grande mélancolie de ce prologue-épilogue, comme si quelque chose d'elle-même s'était perdu dans le voyage. Mais ce n'est qu'un trompe-l'œil : son ironie, sa sincérité et son désir de bousculer les préjugés sont passés dans son œuvre, et Persepolis-le film en est la preuve magistrale.

Persepolis
De Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (Fr, 1h35) animation

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