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Le Dernier maître de l'air

M. Night Shyamalan s’aventure dans le blockbuster familial avec cette adaptation d’un dessin animé sous forte influence manga. Le résultat, laborieux, confus et peu inspiré, confirme la perte de vitesse de l’ex-wonder boy d’Hollywood. Christophe Chabert

Avec une frénésie qui confine à l’hystérie pure et simple, Le Dernier Maître de l’air nous jette à la figure dès ses premières secondes son univers visuel, les clés de sa mythologie et leur application concrète. Cet empressement ressemble à un aveu : M. Night Shyamalan, en acceptant de tourner ce lourd blockbuster inspiré d’une série animée lorgnant ouvertement sur l’héritage des mangas japonais façon Dragonball, a flanqué aux orties tout ce qui jusque-là définissait son style. À savoir, un savant mélange entre une durée flottante et un espace qui, même replié sur la subjectivité de quelques personnages ordinaires, finissait par s’ouvrir à des mondes infinis (les fantômes de Sixième sens, les super-héros d’Incassable, l’invasion extra-terrestre de Signes ou, sommet de son œuvre, la grande peur réactionnaire du Village). Le Dernier Maître de l’air, à l’inverse, ne crée jamais de lien intime à l’écran entre ses héros et l’univers dans lequel ils évoluent. Ce devrait pourtant être le sujet du film : la lutte entre des enfants ayant la capacité de contrôler des éléments naturels (l’eau, l’air ou le feu). Malgré la débauche de moyens et d’effets spéciaux, ce sont les dialogues qui en fin de compte sont chargés de résumer les choses, Shyamalan se repliant en désespoir de cause sur la parole pour éclairer l’action.

Décevant, Déprimant, Désolant

Le problème, c’est que ceux-ci sont particulièrement idiots et grandiloquents, jamais incarnés par des comédiens il est vrai transparents, eux-mêmes perdus dans les fonds verts et les effets numériques. Avec un manque de recul surprenant, Shyamalan traite chaque détail de son film avec un égal souci épique, que ce soit un regard courroucé ou une énorme bataille. La fresque se brise net sur ce manque de quotidienneté, cette manière de faire coexister au même niveau l’anecdotique et le spectaculaire. Le naufrage va jusqu’à la tentative de "gonfler" sur le tard le film en 3D. Il faut le dire : celle-ci ne sert strictement à rien, réduite à créer une vague profondeur dans les plans, à peine perceptible la plupart du temps. Shyamalan, qui n’a jamais été un réalisateur graphique — la seule fois où il a vaguement essayé, avec La Jeune Fille de l’eau, reste son plus gros échec artistique — se révèle en la matière aussi inefficace que Tim Burton dans Alice, avec une mise en scène impersonnelle à peine soulignée par quelques effets de signature. Celui qu’on a abusivement surnommé le nouveau Spielberg montre ici tout l’écart qui le sépare du maître.

Le Dernier Maître de l’air
De M. Night Shyamalan (ÉU, 1h43) avec Noah Ringer, Dev Patel, Jackson Rathbone…

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