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Pour un cinéma coup de boule

Avec Hallucinations collectives, séquelle de L’Étrange festival, l’association ZoneBis vient rappeler au bon moment que le cinéma, ce n’est pas des bons sentiments, des comédies bien peignées et des émotions surgelées, mais bien des films furieux, mal élevés et peu consensuels. Christophe Chabert & François Cau

L’idéologie de l’absence d’idéologie voudrait nous faire croire que le cinéma n’est qu’un loisir pour écervelés, une sorte de télévision en plus grand avec des films où les pubs sont écrites dans les scénarios et les réalisateurs des diplômés de HEC. Par chance, il y aura toujours des activistes pour rappeler qu’à la marge de l’industrie, il y a des cinéastes qui n’ont qu’une obsession : sortir le spectateur de sa léthargie et faire des films qui durent plus longtemps qu’un seau de pop-corn. Parmi ces activistes, l’association ZoneBis organisait au Comœdia depuis trois ans un irréprochable Étrange festival qui a choisi de se rebaptiser Hallucinations collectives (voir ci-contre). Le succès rencontré en 2010 a poussé le festival à voir (un peu) plus grand. À commencer par la création cette année d’une compétition de longs-métrages inédits en salles, dont le programme a de la gueule.

Poétique des auteurs

Selon la définition donnée plus haut,   Balada triste de trompeta d’Alex De la Iglesia fait figure de favori, tant cette fresque sur le Franquisme à travers la rivalité amoureuse de deux clowns est parcourue par une rage peu commune : le cinéaste a visiblement des comptes à régler avec le divertissement, qu’il assimile à une forme tragique de diversion, lui préférant la subversion du spectacle, celui qu’il orchestre par sa mise en scène ou celui qui guide sa troupe de freaks vers une fin sanglante. L’immense De La Iglesia aura même droit à un bel hommage au festival puisqu’y sera aussi présenté son film “américain“ inédit, Perdita Durango, qui adapte Barry Gifford mieux que David Lynch ne l’avait fait, avec un casting à tomber : Javier Bardem, James Gandolfini et l’acteur fétiche du réalisateur, Santiago Segura. En compétition toujours, aux côtés du revenant John Landis avec Cadavres à la pelle, quelques œuvres vont faire sensation. Après avoir tourné en rond ces derniers mois, la production sud-coréenne se rappellera à notre bon souvenir avec deux œuvres choc, dont la radicalité sonne le glas de l’obsession de ce cinéma pour le concept de vengeance : le très brutal J’ai rencontré le diable de Kim Jee-woon, esthète surdoué qui semble ici, avec cette confrontation on ne peut plus sadique entre un flic et un tueur en série, trouver son ton en tant qu’auteur ; et surtout le fascinant Bedevilled de Jang Cheol-soo, premier film stupéfiant de maîtrise, aussi choquant que bouleversant, interrogation frontale du rôle de spectateur qui devrait en estomaquer plus d’un. Du côté des œuvres moins tapageuses, à la superbe mise en scène malheureusement vide de sens de l’Australien The Loved Ones et au délire arty potache prout-prout du Japonais Symbol, on préfèrera la sensibilité à double tranchant d’Heartless, dernière réalisation du trop rare Philip Ridley.

Traumatisés

L’attrait principal d’Hallucinations collectives reste toutefois sa collection de raretés, dont un «cabinet de curiosités» qui accueillera le très singulier film réalisé par Bob Balaban, Parents, tourné en 1989 et invisible depuis. Idem pour les deux films choisis par Fausto Fasulo, rédacteur en chef de Mad Movies : Simetierre de Mary Lambert, adaptation exemplaire et terrifiante de Stephen King, et Elle s’appelait Scorpion de Shunya Ito, qui mélange survival et film de prison au féminin dans un collage pop graphiquement splendide. Pour les amateurs de Z assumé, trois films de Lloyd Kaufman et de son studio Troma seront projetés dans une ambiance qu’on peut raisonnablement qualifier de joyeuse : le mythique Toxic Avenger, le vulgos Atomic college et l’inédit Poultrygeist, apogée artistique jouissive et spectaculairement trash de la firme indépendante. Moins cultes, car tout simplement moins vus, deux œuvres radicales sont à découvrir au sein des thématiques «La bombe dans tous ses états» et «Projections en série» : un film tourné pour la BBC en 1984 décrivant avec un réalisme glaçant les conséquences d’une explosion atomique (Threads) et un OVNI allemand autour d’un serial killer tristement banal (Schramm), cousin proche du Maniac incarné par Joe Spinell dans l’extraordinaire film de William Lustig, lui aussi projeté au festival. Car Hallucinations collectives ne s’intéresse pas qu’aux artisans obscurs et aux œuvres déviantes ; un des meilleurs films de cette édition est le tout public Panic sur Florida Beach, réalisé par le pas du tout inconnu Joe Dante, évocation très personnelle du péril atomique à travers les yeux d’un enfant fan de séries B dans les années 50. Car oui, cela fait longtemps que le cinéma différent se fait l’écho du monde, dans ce qu’il a de plus inquiétant, pour le réfléchir ou s’en abstraire.

Hallucinations collectives
Au Comœdia
Du mercredi 20 au mardi 26 avril

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