Astérix et Obélix : au service de sa Majesté

Passant après le calamiteux épisode Langmann, Laurent Tirard redonne un peu de lustre à une franchise inégale en misant sur un scénario solide et un casting soigné. Mais la direction artistique (affreuse) et la mise en scène (bancale) prouvent que le blockbuster à la française se cherche encore un modèle. Christophe Chabert

Dans quel âge se trouve le blockbuster français ? Économiquement, sans parler d’âge d’or, on peut dire que l’affaire roule ; même une chose laborieuse comme Les Seigneurs remplit sans souci les salles. Artistiquement, en revanche, on est encore à l’âge de pierre. La franchise Astérix en est le meilleur exemple : après le navet ruineux de Thomas Langmann, c’est Laurent Tirard, fort du succès glané avec son Petit Nicolas, qui a récupéré la patate chaude. Avec un budget quasiment divisé par deux (61 millions quand même !), il n’avait guère le choix : finies les courses de char dispendieuses et les packages de stars ; retour aux fondamentaux.

Tirard et son co-auteur Grégoire Vigneron prennent ainsi deux décisions payantes : remettre le couple Astérix et Obélix au centre du film (ainsi que les comédiens qui les incarnent, Baer et Depardieu, excellents), et soigner un casting pour lequel chaque personnage semble avoir été écrit sur mesure. Il y a dans Au service de sa Majesté un petit charme très français du second rôle savoureux, plus digeste que la pratique éculée de la guest écrasante. Guillaume Gallienne, Vincent Lacoste, Valérie Lemercier, Catherine Deneuve, Bouli Lanners et même la débutante Charlotte Le Bon ou le trop roué Dany Boon, pour une fois supportable : le film fonctionne quand il s’appuie sur cette galerie de personnages et sur un artisanat du dialogue, du récit et du clin d’œil bon enfant (du doute sur la sexualité du duo à la rééducation façon Orange mécanique du barbare normand).

So french…

Les choses se gâtent dès que Tirard doit inventer une esthétique à son petit théâtre. De la 3D aux décors, sans parler de la mise en scène des gags purement visuels, systématiquement ratés, Au service de sa majesté baigne dans une laideur figurative totale. On s’amuse de l’envie irrépressible d’Obélix d’envoyer des baffes au glandeur parigot Goudurix, on ne rit plus du tout quand on voit la conséquence de celles-ci : un effet spécial extrêmement pauvre qui le projette vingt mètres plus loin. Le film vient donc entériner une hypothèse depuis longtemps émise : le cinéma populaire français, c’est du texte et des acteurs. Pour qu’il se transforme en blockbuster, il faudrait qu’un Christopher Nolan hexagonal s’empare d’un Astérix, et en fasse une version réaliste et personnelle… On peut toujours rêver.

Astérix et Obélix : au service de sa Majesté
De Laurent Tirard (Fr, 1h47) avec Édouard Baer, Gérard Depardieu, Guillaume Gallienne…

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