Bron : un drôle de vent souffle sur Les Alizés

Cinéma / L’un des plus anciens cinémas associatifs municipaux de la Métropole risque de changer de tête et de cœur : les Alizés de Bron sont jugés pas assez rentables par le nouvel exécutif, qui souhaite transformer sa gestion en les passant en DSP. Querelles à l’Est.

Un coup de bambou. Trois semaines tout juste après la réouverture tant attendue de ses deux salles, l’équipe du cinéma Les Alizés de Bron voit son enthousiasme douché d’un coup. Conviés mercredi 9 juin pour une réunion à la mairie de Bron, les salariés ainsi que quelques membres de l’association Les Amis du cinéma — qui préside à ses destinées depuis une quarantaine d’années — apprennent du premier édile Jérémie Bréaud (LR) la décision de retirer la gestion des Alizés à l’association. À la place, la Ville (propriétaire des murs du cinéma) a décidé d’opter pour une DSP (délégation de service public). Presque tout le monde dans la pièce tombe des nues. Sauf la présidente de des Amis du cinéma, Manon Vialle.

« On s’y attendait plus ou moins, détaille-t-elle. Il y avait eu un audit en 2016 par l’ancienne majorité municipale, qui avait été mis de côté ; et là, nouvelle majorité municipale… Ils avait dit qu’ils comptaient faire un nouvel audit. On se doute bien que s’ils veulent faire un nouvel audit, c’est que le cinéma coûte plus qu’il ne rapporte. On n’est pas forcément ravi de la décision de la mairie, mais ce n’est pas quelque chose de totalement exceptionnel dans le sens où on savait qu’il y avait un audit qui était en cours. »

Une AG sans réponse

Le lendemain se tient l’assemblée générale de l’association, en présence de l’adjoint à la Culture Pascal Miralles-Fomine. Une assemblée générale houleuse, selon nos informations. Pascal Miralles-Fomine aurait annoncé que l'équipe actuelle serait encore en responsabilité pour une saison complète, mais qu’un cahier des charges allait être établi pour sélectionner les candidats à la reprise. L’élu aurait invoqué pour justifier ce choix de transfert de gestion des raisons budgétaires ainsi que la volonté de réaffecter les sommes économisées à la rénovation des écoles. Une fraction des adhérents aurait alors pointé une confusion entre crédits d’investissements (écoles) et crédits de fonctionnement (les subventions allouées aux Alizés). L’adjoint aurait manifesté le désir de la municipalité de maintenir l’existence du dernier cinéma brondillant et de le rendre viable, mais aussi de lui préserver “son âme“ en inscrivant dans le cahier des charges la poursuite des partenariats en cours… Mais quid des salariés actuels, dont certains ont plus de 30 ans de maison ? Quid de la viabilité sans subvention ? Quid de la programmation — un nouvel opérateur aura-t-il les mêmes exigences d’éclectisme ? Pas de réponses, ou beaucoup de flou… Sollicité, l'élu a renvoyé sur le chef de cabinet de la Ville, lequel n’a pas donné suite à nos interrogations.

Reste que la DSP pourrait, paradoxalement, s’ouvrir aux Amis du cinéma. « Est-ce qu’on candidate ou pas, ce sera décidé en concertation avec le conseil d’administration », s’interroge la présidente, qui annonce par ailleurs que le cahier des charges pour la reprise sera établi « par la mairie avec l’association : nous souhaitons participer au cahier des charges et la mairie l’a très bien compris et a dit qu’on participerait à ce cahier des charges. » Ce qui soulève une autre question : n’est-ce pas baroque de déterminer les conditions à remplir quand on doit soi-même présenter sa candidature ? « Ça, on verra. Juridiquement, la mairie doit vérifier si on peut à la fois proposer des choses ET être candidat. Si c’est pas possible, le CA choisira soit l’un, soit l’autre. »

Le serpent de mer DSP

L’hypothèse d’une DSP pour Les Alizés n’est donc pas une nouveauté. En 2016, le maire précédent, Jean-Michel Longueval (PS), avait rencontré les représentants de l’URFOL (Union Régionale des Fédérations des Œuvres Laïques de la Région Rhône-Alpes) qui non seulement mène de nombreuses actions dans l’éducation à l’image, mais investit dans des salles sans qu’il y ait de dépenses pour les mairies. À la suite de cette rencontre, le DGA de la Ville de l’époque avait proposé de mener une étude approfondie des différents modes de gestion, en lien avec le conseil d’administration des Alizés.

Selon Manon Vialle, « le rapport de 2016 disait déjà qu’il y avait des choses qui ne fonctionnaient pas correctement et, selon eux, une DSP pourrait être envisageable. » D’après Jean-Michel Longueval, le cabinet missionné avait plutôt listé les différentes options (la DSP passant par un marché public, la régie directe et enfin la gestion associative), dressant pour chacune les avantages et les inconvénients. « De mon point de vue, en tant qu’ancien maire, on a exploré le sujet », explique Jean-Michel Longueval. Le rapport, remis publiquement, avait donné lieu à une concertation entre d’une part l’administration municipale, les élus de la majorité échangeant dans des commissions ; de l’autre le partenaire associatif. Le résultat : un accord mutuel pour la poursuite d’une gestion associative — ce qui faisait sens avec l’écosystème culturel brondillant qui comptait par ailleurs la Fête du Livre, la Biennale du Fort ou Pôle en Scènes, mais aussi les centres sociaux et les maisons de quartier, elles aussi en gestion associative.

La décision tout en verticalité du nouvel exécutif, en place depuis tout juste un an, fait fi de la concertation passée. Elle interroge sur ses motivations profondes — plus politiques qu’économiques ? — et peut inquiéter ou a minima interroger à court ou moyen terme la gouvernance des autres structures culturelles de la Ville…

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