L'Égypte antique s'expose à Lyon 

Histoire / Deux expositions consacrées à l'égyptologie ont ouvert leurs portes à Lyon : très différentes même si leurs titres sont presque copiés/collés, elles se complètent parfaitement et méritent une visite. L'une est consacrée à Toutankhamon, l'autre à Champollion.

Pas de syndrôme de Stendhal en vue du côté des visiteurs de l'exposition Toutankhamon, à la découverte du pharaon oublié, qui vient de s'ouvrir à La Sucrière : aucun objet réel retrouvé dans son hypogée ou ailleurs lors de fouilles ultérieures n'est visible au fil de la visite. Tout n'est que reproduction. Fidèles, et soignées : ce sont les meilleurs musées d'Europe et surtout celui du Caire (le Supreme Council of Antiquities Replica Prodcution Unit, exactement, pour 250 d'entre eux) qui ont façonné ces imitations d'artefacts. Et du côté des organisateurs, les sociétés privées Tempora et Europa Expo, on l'assume clairement et on ne cherche pas à tromper le visiteur. Pourquoi en parler d'emblée ? Parce que c'est à la fois la force et la faiblesse de l'exposition. La force, parce que tout est là : masque de Toutankhamon, célèbre buste de Néfertiti exposé au Neues Museum à Berlin, fameuse dague en fer de météorite, etc. Il ne manque rien de ce que l'on a trouvé dans le caveau funéraire, rien de ce qui entoure le culte de Toutankhamon et fascine tant depuis deux siècles que les Occidentaux ont pris conscience de la puissance de cette civilisation antique. 

à lire aussi : Aux confins de l’Himalaya

Et c'est aussi la faiblesse de cette exposition, puisque finalement, le parcours est attendu, un peu linéaire, et cette absence d'objets originaux n'a pas poussé les scènographes ou historiens à rivaliser d'imagination pour combler un vide. Puisqu'il suffisait de faire appel à un copiste pour avoir la pièce voulue. L'émotion n'est pas la même non plus.  

À visiter en famille 

Faut-il s'y rendre tout de même ? Assurément, oui. En étant conscient de cet écueil, et de l'angle choisi : suivre l'archéologue Howard Carter sur les traces de son expédition ayant mené à la découverte du tombeau tant recherché. Car au-delà de l'aspect historique, respecté, la scénographie et le parcours suivent d'abord les traces de l'Européen en quête de découvertes, et non pas la vie de Toutankhamon. En-celà, l'exposition est autant consacrée au pharaon qu'à celui qui a redécouvert son tombeau, au trésor qu'à l'Indiana Jones l'ayant déniché.

à lire aussi : Pour sa 4e édition, Peinture Fraîche convie 44 street artistes

On débute la visite par un passage sur le pont du navire ayant traversé la Méditerranée, on écoute la voix dans l'audioguide qui est censé être celle d'Howard Carter et on enchaîne avec les conditions des fouilles, la vie de Carter et sa rencontre avec l'indispensable mécène Lord Carnarvon ayant financé les fouilles, acheté la concession — mécène qu'il faudra attendre plusieurs jours avant l'ouverture réelle du tombeau, après sa découverte le 22 novembre 1922.

Avant, enfin, d'arriver au cœur du sujet et de ressentir l'effet whaou : le tombeau reconstitué de Toutankhamon, voisinant avec deux autres vitrines reconstituant le vrac des objets enterrés avec lui pour lui permettre un meilleur séjour dans  l'au-delà : chars, armes, nourriture (sarcophages de canards !), onguents et matériel pour écrire... C'est de loin le meilleur moment de l'exposition, qui se décline ensuite dans  la grande pièce suivante, où chacun des objets est expliqué et classé par fonction, révélant par là-même l'importance historique colossale de la découverte de ce tombeau : au-delà de Toutankhamon, c'est surtout un immense savoir sur la vie quotidienne dans l'Égypte ancienne qui s'est alors révélé au "monde moderne". 

S'ensuit une partie plus classique sur la dynastie, l'arbre généalogique, les Dieux, mais une autre pièce retient l'attention, c'est l'atelier reconstitué du sculpteur officiel de la royauté, Thoutmose, dont la maison a été retrouvée par Borchardt en 1912 à Amarna. C'est à lui que l'on doit le fameux buste de Néfertiti, et toute une partie est dédiée à son art, sa fonction comme à son statut. 

Champollion et les hiéroglyphes

Pour les artefacts réellement utilisés au fil des dynasties de l'Égypte ancienne, il faudra se rendre au Musée des Beaux-Arts, qui lui aussi succombe à l'égyptologie et expose 145 de ces antiquités, programmant dans sa petite salle un événement ciblé lui sur Jean-François Champollion, les hyéroglyphes et les reliant à François Artaud, personnage central du musée à l'origine de sa création, qui en fut le premier directeur, en profitant pour relater les liens très anciens unissant Lyon et l'égyptologie.

C'est court, mais c'est dense : il faut ici prendre beaucoup plus de temps sur chaque vitrine pour en assimiler les richesses et la pertinence du contenu. L'on s'attache à revenir sur ce mystère qui a agité les scientifiques et les curieux durant des décennies, avant que Champollion le jeune ne se serve de son immence connaissance des langues étrangères et en particulier du copte contemporain, comme de son savoir sur la civilisation égyptienne, pour qu'enfin ce qui était devenu une sorte de code secret soit percé à jour en septembre 1822 — grâce, bien entendu, à la découverte de la pierre de Rosette ; dont Champollion n'eut que des reproductions en mains...

Il faut aussi largement réhabiliter le travail et le mérite du frère aîné Jacques-Joseph Champollion-Figeac : c'est lui qui incita et guida son petit frère dans ses études, qui le poussa, échangea longuement avec lui pour discuter des pistes suivies... L'étude de la correspondance de Jean-François, éditée en 2019 par Christian Bourgois, en complément chronologique de ses carnets de voyage en Égypte, est en cela éloquente et montre bien l'importance du lien intellectuel entre les deux frères. L'exposition s'y attelle aussi. 

Au fil du parcours, outre les deux frères, outre François Artaud, avec lequel des liens d'amitié seront vite tissés, on découvre d'autres noms qui permettent de comprendre que Lyon a tôt été — dès la Renaissance — sensible à l'égyptologie, que collectionneurs et chercheurs et intellectuels s'y sont intéressés ici au fil des décennies, permettant de nourrir l'actuelle collection du Musée des Beaux-Arts.

Toutankhamon, à la découverte du pharaon oublié, à La Sucrière à Lyon jusqu'au 24 avril 2023

À la recherche des hiéroglyphes oubliés, au Musée des Beaux-Arts jusqu'au 31 décembre

 

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Vendredi 7 avril 2023 Suite à une expérience visant à réguler la température de la planète, la Terre subit des chaleurs extrêmes qui détruisent la quasi-totalité du monde comme nous le (...)
Mardi 26 avril 2022 Le confinement, c’est loin. La preuve, vous avez arrêté de faire votre pain. Par chance, d’aucunes en ont fait leur profession.
Mardi 26 avril 2022 La Ville de Lyon et la Métropole réglementent l’offre en matière de logements meublés touristiques longue durée dans un hyper centre lyonnais assez large. Excellente nouvelle pour les habitants.
Mardi 26 avril 2022 Avant d’entamer sa carrière solo, le musicien sénégalais Lass a pris le temps de faire ses armes dans le giron de David (...)
Mardi 26 avril 2022 Orfèvre dans l’art de saisir des ambiances et des climats humains, Mikhaël Hers (Ce sentiment de l’été,  Amanda…) en restitue deux : l’univers de la radio la nuit et l’air du temps des années 1980. Une fois encore, le prodige de son alchimie teintée...
Mercredi 13 avril 2022 Le photographe Maxence Rifflet présente au Bleu du Ciel un travail particulièrement délicat et intelligent, réalisé dans sept prisons françaises, en étroite collaboration avec les détenus.
Vendredi 1 avril 2022 Son identité fait l’objet de spéculations depuis toujours, on l’imagine britannique, cinquantenaire, lié au monde du graff ou même de la musique… Symbole de (...)
Mercredi 30 mars 2022 Avec son émission sur Twitch "Let’s play sciences", la Casemate propose de discuter de divers sujets scientifiques en s’appuyant sur des jeux vidéo. "Mario" et la gravité, "Pokémon" et la théorie de l’évolution ou, en l’occurrence, "Kerbal Space...
Mercredi 30 mars 2022 Il faut souvent chercher loin pour trouver les propositions ou les déclarations des candidats à l'élection présidentielle sur la culture (et parfois, sans résultat). Tour d’horizon, à quelques jours du scrutin, des mesures promises par chacun des...
Mardi 29 mars 2022 Des dernières Biennales Design stéphanoises aux salons du Conseil de l’Union Européenne à Bruxelles, la créatrice textile Jeanne Goutelle marque peu à peu de son empreinte colorée et responsable une œuvre où le réemploi de tissus industriels permet...
Mardi 29 mars 2022 Durant les quatre mois qui vont suivre, la Biennale Design de Saint-Étienne nous invite à « bifurquer ». Envisager la société telle qu’elle est, l’envisager ensuite telle que l’on aimerait qu’elle soit… Puis envisager les chemins possibles...
Jeudi 17 mars 2022 Enfant terrible du monde de la photographie, William Klein n’a eu de cesse d’en bousculer les codes et les pudeurs. Jetant son corps dans la bataille du réel, ses images en conservent l’énergie, la violence, la vie. Retour sur les apports et le...
Mercredi 9 mars 2022 Mars arrive et la création contemporaine repart dans les musées et les galeries avec quelques belles affiches : William Klein, Christian Lhopital, Tania Mouraud, Thameur Mejri…
Mercredi 9 mars 2022 Entre création artistique et artisanat d’art, la frontière est souvent ténue. À Saint-Étienne, nombreux sont les créateurs aux doigts de fée qui font naître de leur esprit puis de leurs mains des objets originaux le plus souvent uniques. Nous sommes...
Mardi 1 mars 2022 Que se passe-t-il dans les salles obscures, lorsque le public n’y est pas ? Avec ou sans contrepartie, la plupart des structures ont pour habitude de mettre leur scène à disposition des artistes pour des périodes de « résidence ». Ou...
Mardi 1 mars 2022 A la guitare comme au banjo, à la mandoline comme à l'harmonica, le Canadien Martin Swamps joue un old time blues authentique (...)
Mardi 1 mars 2022 Du coup de foudre au coup du destin. Se rencontrer, s’enticher, s’aimer, s’installer, puis vouloir donner la vie… Et ne pas pouvoir. Confrontés à cette (...)
Mardi 1 mars 2022 Après avoir sorti deux EPs (Genesis en 2019 puis Crack National en 2021), le rappeur stéphanois Mitchy arrive en force ce vendredi 4 mars avec un premier (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X