Arcomik, gloire à l'art de rire

Un peu comme des parents émus de voir leur petite tête prendre son envol, les Stéphanois observent aujourd’hui avec tendresse et fierté l’engouement pour leur festival d’humour, né il y a tout juste 20 ans. Des balbutiements à l’indépendance, Arcomik a su mener sa barque, non sans remous, mais en préservant le cap. Récit.

En 2003, le jean se porte large et le tee-shirt près du corps, Diam’s cartonne avec son titre DJ, tandis que les membres de la Star’Ac sont à la recherche d’un type qui a volé une orange à un marchand. La vente de clopes aux mineurs de 16 ans est interdite, Sarko donne son nom à une loi sur la sécurité intérieure, le prix du timbre augmente pour atteindre 50 centimes d’euros. A Paris, s’ouvrent les procès Elf et du Crédit Lyonnais, Springsteen et Les Stones arpentent les scènes d’Europe, et pour la première fois, les ventes de DVD dépassent celles des VHS. Raffarin lance une réforme des retraites visant à allonger la durée de cotisation, la France et l’intersyndicale sont dans la rue, mais la CFDT finit par signer, et la réforme est actée. La navette Columbia explose en plein vol, la canicule tue environ 15 000 personnes en France, la deuxième guerre d’Irak commence, Saddam tombe, début d’une bonne grosse salve d’emmerdes. A Saint-Étienne pendant ce temps, un tout petit festival pointe le bout de son nez. Il s’appelle Arts Burlesques, et on commente déjà : « on a tellement besoin de rire ! »

20 ans plus tard Diam’s nous manque, personne n’a réussi à mettre la main sur l’orange, et puis… le reste, quoi. A Saint-Étienne cela dit, le festival est toujours là. Il ne s’appelle plus Arts Burlesques mais Arcomik, il a pris de l’ampleur, et acquis une solide réputation. Alors, doit-il sa pérennité au besoin de plus en plus grand qu’ont les gens de profiter de bulles de décompression, ou au nez fin de ceux qui le portent, et qui ont réussi à lui frayer un chemin ? Un peu des deux, nous dit son histoire lorsqu’on la relit.  

Un festival de quartier...

Après une première édition construite avec les moyens du bord, l’équipe du festival s’est historiquement constituée autour de feu la MJC-Nouveau Théâtre Beaulieu. Une force à plusieurs égards, qui aura permis à Arcomik anciennement Arts Burlesques de se développer via différents axes, assis sur une base solide de fidèles. « L’âme du festival, c’est celle d’une MJC ancrée dans un quartier, analyse aujourd’hui Farid Bouabdellah, l’actuel directeur artistique de l’événement. Tout s’est construit avec le tissus local, et surtout avec la population. Le festival était à l’origine un véritable projet de MJC, participatif, et la diffusion des spectacles durant une semaine n’en était finalement qu’un volet. »

Ainsi les habitants des quartiers sud-est ont-ils longtemps pu participer de près ou de loin à l’organisation de l’événement et à toutes les actions culturelles que celui-ci a immédiatement permis de mettre en place. Certains, d’ailleurs, ont bien vite pris le virus, et sont toujours présents des années plus tard, alors même que la MJC a disparu. Plus qu’une simple manifestation dédiée à l’humour, Arcomik a finalement toujours été conçu comme un outil fédérateur et créateur d’inclusion. Ci, avec des ateliers cirque à destination de tous, là, avec l’organisation en son temps du défilé du carnaval, aujourd’hui, avec un camp d’écriture et de mise en scène autour du stand-up à destination de 12 jeunes gens, ou des ateliers en faveur de personnes privées d’emploi … « L’humour est un art extrêmement fédérateur. A travers lui, de nombreux projets peuvent être menés avec différents publics, et il devient ainsi un formidable outil sur la voie de l’insertion », détaille Farid Bouabdellah.

... Devenu festival national

Fort de cet ancrage - dans un quartier tout d’abord, puis dans une ville, et même, dans une métropole -  Arcomik a ainsi pu développer une solide identité artistique, qui chaque année attire non seulement les fidèles qui font confiance les yeux fermés, mais également des spectateurs nouveaux-venus, curieux de voir sur scène les stars du moment. Arcomik, dénicheur de talents à ses débuts et parmi les premiers à avoir ouvert ses scènes à des personnalités comme Florence Foresti, Kev Adams ou Éric Antoine, est désormais le festival français qui accueille les humoristes les plus bankable du moment.  Paul Mirabel, Redouane Bougheraba, Laura Felpin cette année ; Guillaume Meurice, Panayotis Pascot ou Guillermo Guiz l’an passé, Benjamin Tranié ou Thomas Wiesel en 2021, Roman Frayssinet en 2020… côtoient à présent les plus traditionnels et installés Anne Roumanoff, Chantal Ladesou, ou Fabrice Éboué. « Nous avons toujours pris garde à ne pas construire de programmation en se bouchant le nez, poursuit Farid Bouabdellah. Certains humoristes sont ancrés dans la culture populaire, et une partie du public les aime vraiment. Et comme nous souhaitons faire plaisir au public, ils se retrouvent logiquement à l’affiche du festival. Ce qui ne nous empêche pas d’accueillir également des humoristes qui tiennent parfois un propos plus engagé. Notre force là-dessus, c’est l’éclectisme, tout le monde doit s’y retrouver. »

Et, s’il a parfois été difficile de convaincre certaines têtes d’affiche de venir se produire à Saint-Étienne sur le festival, la réputation acquise par ce dernier lui permet aujourd’hui de voir quelques pépites se bousculer au portillon. Car l’événement a su progressivement dépasser les frontières de son quartier d’origine, pour finalement placer Sainté sur la carte française de l’humour.

En 20 ans, le festival est en effet parvenu à transformer toute une série d’embûches rencontrées sur son parcours en véritables forces. Disparition de son lieu d’origine dans un incendie, fermeture de la MJC qui en était organisatrice, suppression de ses subventions… Chaque obstacle fut douloureux, mais chaque obstacle fut surmonté, et surtout, générateur de renouvellement lui permettant d’aller de l’avant. Aujourd’hui, Arcomik jouit ainsi de liens solides et de partenariats bien noués avec Radio France et France Télévision. De nombreux mécènes ont également rejoint la danse, conscients de la chance et de l’opportunité que le festival représente pour la ville. Et puis surtout... la billetterie tourne à plein régime, signe qu’en 2023, on a toujours « tellement besoin de rire ». Par chance, en février depuis 20 ans, on en a la possibilité.

Festival Arcomik, du 2 au 18 février à Saint-Étienne et dans sa métropole. Programmation complète en ligne, plus d'informations en page 7.

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