Pierre Thivillon : pour l'amour des animaux

Passionné au grand cœur, Pierre Thivillon a forgé de ses mains un parc unique et à taille humaine au fil des années : l'espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine. À 74 ans, l'homme, à la sensibilité débordante, continue de vivre tous les jours sur place avec sa femme Eliane et ses équipes, au contact de « ses enfants » à qui il a tout donné par amour : gorilles, lions, gibons et autres magots.


Passer un moment aux côtés de Pierre Thivillon est un privilège, une expérience inédite et inoubliable. Ce septuagénaire possède un parcours peu commun et a dans sa besace un nombre incalculable d'anecdotes et autres souvenirs d'une vie forgée pour et aux côtés des animaux. Pétri de cette passion communicative, il a lancé en 1972 l'un des parcs zoologiques les plus emblématiques de France : l'Espace Zoologique de Saint-Martin-la-Plaine, à mi-chemin entre Saint-Étienne et Lyon. Un travail titanesque digne du Facteur Cheval, l'œuvre d'une vie entièrement tournée vers les animaux. « Depuis le début du parc, nous n'avons eu de cesse de nous battre pour nos animaux », explique Pierre Thivillon, des trémolos dans la voix et l'œil humide.

Gorilles dans la brume du Jarez

Ce lieu, créé de toute pièce par ce passionné et sa femme Eliane, est notamment réputé pour son travail dans le maintien des primates et de leur reproduction. À titre d'exemple, le parc est depuis de nombreuses années devenu une référence mondiale en matière de gorille, puisque pas moins de 12 gorilles écoulent aujourd'hui des jours heureux dans les grands espaces du parc - un nombre inédit en France (seulement 6 parcs de l'Hexagone possèdent de tels animaux) et en Europe. La plus célèbre d'entre eux s'appelle Digit, une femelle élevée depuis 19 ans par le couple Thivillon et qui rentre chez eux tous les soirs. Mais avant d'avoir atteint 1 200 animaux de 110 espèces différentes et pas loin de 170 000 visiteurs annuels dans son parc, Pierre est passé par les fleurs. « À 22 ans, j'ai décidé de me mettre à mon compte, détaille Pierre Thivillon. Avec ma femme Eliane, nous avons tout d'abord ouvert un établissement horticole à Saint-Martin-la-Plaine. J'allais vendre des fleurs sur les marchés de la région. Puis, nous avons acheté une maison, ouvert un magasin de fleurs et nous nous sommes mariés. J'ai très vite eu des volières et je me suis fait embarquer par la passion des animaux avec la volonté de faire un métier auprès d'eux. Mais le souci était et est toujours que nombre de professions qui touchent aux animaux sont axées sur le business : on les tue, on les vend... En faisant une liste des métiers, je suis tombé sur le zoo. Mais à cette époque, les zoos étaient mauvais et nous ne le savions pas. Nous nous sommes lancés dans cette aventure. » C'est au détour d'une discussion banale avec le facteur que le couple apprend la disponibilité d'un terrain. L'aventure de l'Espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine prend forme.

« Depuis le début du parc, nous n'avons eu de cesse de nous battre pour nos animaux », explique Pierre Thivillon, des trémolos dans la voix et l'œil humide.

Garde aux gorilles

Très vite après son ouverture, le parc accueille des rapaces ou encore des loups... Au bout de seulement 4 mois, le couple a l'opportunité de récupérer des lions au parc des Abrets, en Isère, non sans quelques surprises. « Je n'avais jamais côtoyé de lion et les deux petits faisaient chacun 70 kilos, explique Pierre Thivillon. Nous les avons ramenés en estafette jusqu'à Saint-Martin, ma femme au volant alors qu'elle n'avait pas son permis et moi derrière, assis sur la paille, avec les lions sur mes genoux... C'était un peu fou ! » Une fois les lions rapatriés, le parc continue de s'agrandir sous les travaux menés en interne par les Thivillon et au gré de concours de circonstances qui ont jalonné l'histoire de ce parc attachant et familial. C'est par une opportunité qu'Alexis, premier pensionnaire gorille, arrive jusqu'à Saint-Martin dans les années 70. « C'est une personne de Rive-de-Gier, travaillant au Congo, qui nous a écrit pour nous le proposer. Nous ne pensions jamais pouvoir le faire venir par faute de moyens, assure Pierre Thivillon. Mais un jour, la femme de ce monsieur, une Congolaise, est arrivée avec le gorille. Nous devions le garder seulement quelques jours, puis quelques semaines... il est resté toute sa vie malgré les difficultés administratives, les demandes de taxes d'abattages... Nous avons trouvé des solutions pour le garder auprès de nous. »

Penser à la suite

Depuis Alexis, les gorilles des plaines de l'Ouest se sont succédés dans les volières et enclos construits sur-mesure pour ces mastodontes au tempérament calme. On pense naturellement à Platon, éternel emblème du parc mais aussi, bien sûr, à l'incontournable Digit, la « fille » des Thivillon, venue nous faire coucou lors de notre entrevue avec le maître des lieux. Le parc de Saint-Martin-la-Plaine est fort d'une équipe soudée autour de Pierre Thivillon et de sa femme avec 40 employés dont 20 soigneurs animaliers. Lorsqu'on évoque l'avenir, c'est la gorge serrée que ce dernier évoque la suite qu'il a imaginée pour le lieu et ses pensionnaires : « Nous n'avons pas d'enfants et le parc n'est pas à vendre. Il y a dix ans, nous avons crée en parallèle l'association Tonga Terre d'Accueil pour sauver des animaux maltraités et un fonds de dotations qui assure la pérennité de l'entreprise. » Ce dernier permettra à terme de transmettre le patrimoine du parc aux équipes, qui pourront ainsi continuer l'aventure engagée il y a plus de 40 ans. En attendant, Pierre et Eliane continuent de tout donner à leur parc, accompagnés de Digit et de sa cadette Thaïs, une jeune chimpanzé « très sotte » et terriblement attachante, qu'ils élèvent depuis 2014 après l'avoir sauvée d'une mort certaine... Au zoo de Saint-Martin-la-Plaine, le quotidien se vit en famille, les yeux tournés vers l'avenir avec 16 nouveaux Ha de terrains supplémentaires qui laissent entrevoir des aménagements futurs.

Plus d'infos :
- sur l'association Tonga Terre d'Accueil : www.association-tonga.com
- sur l'Espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine : www.espace-zoologique.com


Dates clés :

08 septembre 1943 : naissance à Saint-Joseph dans la Loire
1956 : Pierre Thivillon devient apprenti maraîcher
1963 : il se met à son compte et ouvre un magasin de fleurs avec sa femme à Saint-Martin-la-Plaine
2 novembre 1971 : début des travaux de l'Espace Zoologique de Saint-Martin-la-Plaine
23 juillet 1972 : ouverture du parc
Fin 1972 : arrivée du premier lion au parc
Août 1974 : arrivée du premier gorille
1981 : construction de la première maison des gorilles
1995 : première naissance de gorille dans le parc
2007 : accueil dans le parc de l'hippopotame Tonga qui donnera son nom à l'association Tonga Terre d'Accueil créée dans la foulée
2008 : décès de Platon, gorille emblématique de Saint-Martin-la-Plaine
2018 : le parc compte 1 200 animaux de 110 espèces différentes


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