Rush

Rush
De Ron Howard (ÉU-All-GB, 2h03) avec Chris Hemsworth, Daniel Brühl...

Autour de la rivalité entre Niki Lauda et James Hunt, Ron Howard surprend en signant un film à la fois efficace et discret où, par-delà l’affrontement sportif, l’important est de se trouver un meilleur ennemi. Christophe Chabert

Pour toute une génération, Niki Lauda est ce champion de Formule 1 autrichien défiguré après un accident spectaculaire, un visage monstrueux autant qu’une légende de son sport. Diverses plaisanteries pas très fines ont achevé d’en faire un mythe, et Rush en ajoute une dernière, accessible au seul public français, en faisant incarner le coureur par l’excellent Daniel Brühl… Cette transformation est le pivot dramatique du film de Ron Howard, son climax un peu obscène — les scènes d’hôpital ne sont pas du meilleur goût en termes de mise en scène — mais c’est aussi là que se joue sa séduisante alliance d’efficacité et de subtilité.

Rush n’est pas exactement une bio filmée de Lauda, du moins est-elle couplée à une autre consacrée à son rival sportif et intime, l’Anglais James Hunt — très bon Chris Hemsworth, qui Thor ici le cou à ses détracteurs. La première partie pose leur antagonisme : Lauda est cérébral, impassible et pas très glamour, mais sa science de la mécanique et de la conduite le rendent imbattable sur les circuits ; Hunt est impulsif, dragueur, fêtard, beau gosse et, malgré ses audaces en course, il finit fréquemment dans le fossé ou dans la posture de l’éternel challenger. L’opposition culturelle n’est jamais loin du cliché pur et simple — la rigueur germanique contre la décadence british — mais cette superficialité est avant tout une distraction, aux deux sens du terme : divertissement et diversion.

Volte-face

Rush fonce ainsi droit au but, aussi rapide et vrombissant que les bolides des deux coureurs, refusant toute digression pour se concentrer entièrement sur son enjeu principal. Le film est d’abord rythmé par la succession des grands prix et par les amours de chacun des protagonistes — mariage raté côté Hunt avec une it girl anglaise, réussi côté Lauda avec une bourgeoise autrichienne. L’accident vient dérégler la mécanique bien huilée du récit en y faisant entrer une dimension insoupçonnée ; la disgrâce physique de Lauda est pour lui un accomplissement.

Comme s’il fallait qu’il aille à l’extrême de son rôle de double inversé de Hunt, ce visage abîmé devient le reflet du désir monstrueux qui les a tous deux animés : vaincre l’autre pour l’humilier. Ce qui entraîne prise de conscience d’un côté, culpabilité de l’autre, mais qui ouvre la porte à une pointe de mélancolie : s’il faut avoir un meilleur ennemi pour exister, que reste-t-il d’autre que de la tristesse si celui-ci vient à disparaître ?

Rush
De Ron Howard (ÉU, 2h03) avec Daniel Brühl, Chris Hemsworth…

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