Radikale Junkypop, électron libre de la scène hip hop stéphanoise

Holy G + Waka + Blu Jaylah + Cekka + Yolande Yanganju Danse + Radikale Junkypop + Dj Neka Groove

Le Clapier

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Portrait / Elle a 31 ans, elle est rappeuse, elle a des choses à dire mais les dit toujours en son seul nom, méfiante de toute forme de récupération. Aussi à l’aise que droite dans ses pompes, Radikale Junkypop bouscule les codes dictés par un milieu encore essentiellement masculin, en même temps que les carcans de la société.

Petite brunette au visage poupin en partie caché derrière des lunettes à larges montures, Carole a le sourire des personnes douces et bienveillantes, en même temps que le froncement de sourcils de ceux qui savent où ils veulent mettre leur(s) patte(s). À la ville, la demoiselle bosse dans une petite boîte d’intégration de réseaux informatiques et téléphoniques, à Saint-Étienne. Chaque matin, elle enfile donc son costume, jouant de manière irréprochable son rôle de trentenaire citadine parfaitement intégrée au monde de l’entreprise… Et ne manque d’ailleurs jamais de s’en amuser. Une fois le costume tombé, en revanche, Carole ne joue plus. Libre, de penser et de dire ce qu’elle veut, de s’affirmer telle qu’elle est, dans ses rencontres comme dans les textes qu’elle scande sur scène.

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Gamine, Carole écrivait des chansons sur les animaux. Un peu dans son monde, un peu solitaire, sans doute déjà un peu artiste. Devenue une jeune femme, elle se lance dans des cours de chant, pour apprendre une technique et être plus à l’aise avec sa voix. Bercée par les barons du funk et de la soul, Carole écoute également beaucoup, beaucoup de rap. NTM, IAM au départ. Puis Kery James, Oxmo Puccino ou encore Assassin, qui deviendront ses références. Amoureuse du verbe autant que de la rythmique du genre, Carole se met à écrire ses propres textes. Elle a à peine 20 ans, mais il s’agit déjà pour elle d’une façon de se révéler. « Je me confie peu et j’ai toujours été comme ça. Le rap, finalement, c’est un peu le seul mode d’expression que j’ai trouvé. D’ailleurs, c’est en écoutant mes textes que mon entourage a réussi à mieux me connaître » glisse-t-elle.

Première scène en 2009

Alors qu’elle écrit depuis déjà quelques temps, c’est en 2009 que la jeune femme grimpe sur scène pour la première fois. Une manière de « se foutre à poil » devenue une évidence, tant le rap fait partie de son quotidien. « Au bout d’un moment, cette musique fait partie de toi. Elle t’habite et comme tu t’intéresses au phénomène, tu finis par croiser plein de gens qui s’y intéressent aussi, et ça t’ouvre des petites portes, ça te donne des idées », analyse-t-elle.

Exit alors Carole, bienvenue Radikale Junkypop. Pas d’extrémisme pourtant, le pseudo « n’est qu’un délire, pas une manière de [se] positionner ». Viendront ensuite les tremplins musicaux, les dates au Fil de Saint-Étienne, à Saint-Chamond, Rive-de-Gier ou Lyon. Petit à petit, Radikale impose son nom sur la scène musicale locale et régionale, manifestant ainsi sa largesse d’esprit : « Ce que j’écris vient d’une sorte de colère. J’ai toujours eu du mal à me faire comprendre par les autres, je me suis toujours sentie un peu seule. J’ai le sentiment qu’on vit tout le temps en pleine confusion par rapport à ce qui nous entoure, par rapport au schéma que nous dicte la société et que l’on n’a pas toujours envie de suivre. Mes textes sont un message de tolérance vis-à-vis des autres, et aussi vis-à-vis de soi-même, pour s’autoriser à trouver sa place, à s’accepter tel qu’on est et à garder son intégrité quelles que soient les circonstances. »

Pourtant, personne ne lui fera de cadeau. Petite meuf débarquée dans un monde de mecs, Radikale a dû prendre beaucoup sur elle pour exister dans ce milieu : « Aujourd’hui, les choses ont un peu évolué. Mais il y a une dizaine d’années, le public des concerts de rap était à 90% masculin. Il fallait avoir une sacrée paire de couilles pour prendre le mic’. Et puis, je me suis rendue compte que, comme j’étais une meuf, les gens étaient toujours sympas avec moi, mais au moment où des projets se lançaient, personne ne m’appelait. »

Le Femcees fest, rampe de lancement

Blasée de ces constats, Radikale trouvera finalement sa place grâce au Femcees Fest, festival hip hop exclusivement féminin organisé à Saint-Étienne depuis 2013. Un événement qui, enfin, ose la mettre en avant. Un projet qui lui donne, aussi, la force de continuer. « Grâce à mes passages au Femcees, j’ai été appelée pour des concerts à Marseille, à Paris, en Aveyron, dans le 63, se réjouit la rappeuse. Ça m’a vraiment donné de la visibilité, et ça m’a également permis d’accepter de me rendre visible ». Une reconnaissance que Radikale a d’ailleurs eu envie de partager, en s’impliquant à son tour dans l’organisation. « L’énergie de ce festival donne vraiment envie d’y aller. Lors des premières éditions, des rappeuses montaient sur scène pour la première fois pour des soirées open mic’ et 5 ans plus tard, elles ont fait leur chemin, elles font des scènes ou elles ont monté des boîtes de prod’. Oui, d’une certaine manière, on a envie de dire aux mecs qu’on les emmerde. Ils n’ont pas de considération pour nous ? Okay, qu’ils se rassurent, on se démerde sans eux ». Conçu en grande majorité par des femmes pour des femmes, le Femcees ne se revendique pas féministe pour autant : « On ne veut pas le surligner. C’est comme si j’étais Noire, et que je me revendiquais anti-raciste… Bah, ouais, normal, tu vas pas être Noire et pour le racisme ! Là c’est pareil. À partir du moment où on est une femme et où on fait quelque chose en tant que femme, quelque part, on est féministe, donc c’est pas la peine d’en rajouter ».

Requinquée par cette légitimité enfin trouvée, Radikale Junkypop hisse les voiles et fonce, poussée par des vents favorables. Après une longue période d’introspection et de recherches, un nouveau projet, Tiers Exclu, monté avec son beatmaker Rismo, sortira courant 2019. Une critique de la pensée binaire, qui bouscule l’idée que l’on se ferait trop rapidement de ce que peut être "le rap d’une meuf" ; des métriques complexes mais maîtrisées ; des sonorités qui servent le propos. « On est parti du constat qu’on attend souvent d’une artiste qu’elle reste dans des valeurs de femmes, qu’elle doit systématiquement avoir envie de sauver le monde. Nous, on va essayer de proposer autre chose, sans jamais être fantaisiste. Parce qu’on veut que tout soit choisi, que chaque chose ait du sens ». Le sens comme guide, le carafon comme moteur… Radikale, un électron libre, sans compromis.


Radikale Junkypop en 7 dates

1987 : Naissance de Carole, à Saint-Étienne
2000’s : Carole s’initie au rap, et écrit ses premiers textes
2009 : Première série de concerts, en Isère, à Saint-Étienne. A la scène, Carole devient Radikale Junkypop
2013 : Première participation de Radikale Junkypop au Femcees Fest à Saint-Étienne
2013-2018 : Radikale s’exporte hors de la région, pour des concerts à Lyon, Marseille, Montpellier…
1er novembre 2018 : Ouverture du Femcees Fest au Clapier. (Les 1er, 2 et 3 novembre 2018, au Clapier pour les concerts, et à l’Amicale Laïque du Crêt-de-Roc à Saint-Étienne pour les ateliers)
2019 : Sortie du deuxième projet de Radikale, Tiers Exclu

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