Pompoko

Cette lutte d'une bande de ratons-laveurs éco-warriors, surfant avec ludisme sur les préoccupations d'Hayao Miyazaki, est à n'en point douter le film le plus bordélique d'Isao Takahata, mais aussi le plus justement virulent. François Cau

Fin des années 60. L'expansion de l'urbanisme nippon atteint un apogée douloureux, et rogne sur l'environnement alentour. À proximité de la cité, une bande de tanukis (qui ne sont pas vraiment des ratons-laveurs, mais plutôt une espèce connue de par chez nous sous le nom de chien viverrin - voilà pour les puristes d'Histoires Naturelles-) craint fortement pour sa survie, et cherche le meilleur moyen d'arrêter les destructions massives des humains. Les habitués des productions Ghibli (le mythique studio d'animation fondé par Miyazaki et Takahata) seront en terrain connu : leurs plus grandes fables animées se flanquent de manière récurrente de fortes connotations animistes et écologiques, évoquant avec un sourire attristé, mâtiné d'un invariable fatalisme, les dérives industrielles du monde contemporain. Si la force du propos rejoint le discours de Princesse Mononoke, le traitement est ici carrément autre. Le dernier TanukiBien éloigné de la rigueur tant picturale que narrative du Tombeau des Lucioles, le chef-d'œuvre qui lui valut une juste reconnaissance internationale, Takahata joue avec ivresse sur la rupture de ton, jusque dans la représentation visuelle de ses héros, qu'il choisit d'humaniser au fil du récit. Pompoko privilégie en grande partie une gaudriole a priori mal appropriée, mais dont l'irrésistible absurdité finit par emporter l'adhésion (c'est pas dans un Disney que les protagonistes mèneraient une attaque kamikaze à l'aide de leurs parties intimes...). Mais le film s'aventure également sur d'autres terrains plus glissants, n'hésitant pas à déstabiliser le jeune public auquel il s'adresse. Entre deux gags, Takahata sacrifie (au sens littéral) certains de ses héros poilus, verse dans un onirisme merveilleux le temps d'une séquence (la parade en ville), tout en contrebalançant cette brusque virtuosité graphique par une conséquence cruelle. Et en bonne logique avec ce véritable déferlement, il conclura cette lutte malheureusement perdue d'avance par un message saisissant, adressé face caméra. Sensibiliser les jeunes esprits d'une façon aussi abrupte peut sembler déplacé, mais force est de reconnaître que Takahata utilise avec talent l'évidence irréfutable de son singulier plaidoyer. Dès lors, on serait tenté de lui reprocher la longueur pas nécessairement justifiée de son opus, d'autant qu'après une première heure quasi irréprochable, le récit se perd en digressions dont on pourra certes louer le côté foutraque, mais qui font sortir de la narration à de trop nombreuses reprises. Takahata tombe parfois dans l'écueil filmique du "qui trop embrasse mal étreint", mais on lui concèdera sans mal que son œuvre frappe juste. Pompoko D'Isao Takahata (1994, Japon, 2h) animation

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