Insidious : chapitre 2

Insidious chapitre 2
De James Wan (ÉU, 1h45) avec Patrick Wilson, Rose Byrne

Après la somme qu’était "Conjuring", James Wan allait-il faire avec ce deuxième "Insidious" le film d’horreur de trop ? Que nenni ! Passée une maladroite introduction, ce chapitre 2 s’avère au contraire son film le plus fou, baroque et expérimental. Un grand cinéaste, cette fois, c’est sûr ! Christophe Chabert

James Wan n’en a pas fait mystère, Insidious chapitre 2 marque ses adieux au genre qui l’a rendu célèbre : le film d’épouvante. Il peut passer à autre chose l’esprit tranquille : il lui a rendu ses lettres de noblesse et parvient même, dans son ultime effort, à en pousser encore les murs. Deux mois à peine après la sortie de Conjuring et son succès planétaire, il y avait pourtant un petit risque : comment surpasser sa magistrale première heure, aboutissement de la méthode Wan, fondée sur la suggestion et le contrôle de l’espace, du temps et des mouvements d’appareil pour créer des climats d’angoisse vintage d’une efficacité redoutable ?

Le début d’Insidious chapitre 2 laisse penser qu’en effet, le cinéaste signe peut-être ici son film de trop. Si cette première demi-heure fait peur, c’est plus pour son côté débraillé et sa façon d’embrayer sans conviction sur la conclusion du premier volet que par ses instants de terreur. Peu inspirée, la mise en scène arrive tout juste à faire sursauter avec l’habituel et pour la première fois routinière méthode du cinéaste. C’est surtout le scénario qui semble battre de l’aile. Wan semble vouloir faire à la fois une suite et un prequel d’Insidious, qui ferait de Josh, le chef de la famille Lambert, la source d’un mal remontant à son enfance. Mais tout cela sent plus le brainstorming fumeux que l’agilité narrative. Par exemple, si le film reprend les mêmes personnages que dans le premier, il les éparpille mystérieusement dans un réseau d’intrigues plutôt confuses et laborieuses.

En fait, et c’est le tour de force passablement dingo de Wan, ce foutoir-là prépare le terrain à une œuvre qui va s’avérer graduellement expérimentale, au point de provoquer un vertige inattendu. Les deux temporalités du film, séparées de trente années, vont ainsi progressivement se rabattre l’une sur l’autre pour ne former qu’une seule réalité, à laquelle Wan ajoute pour complexifier l’affaire la dimension parallèle déjà explorée dans le chapitre 1. Difficilement racontable, le virage est pris lors d’une fabuleuse scène de visite dans un hôpital désaffecté, où le souvenir de la mère incarnée par Barbara Hershey semble faire revenir dans le présent les fantômes du passé. Même le premier volet devient à son tour un espace-temps dans lequel ce nouveau récit peut s’inviter à sa guise pour changer le sens ou le cours de certaines de ses séquences. Le film détruit alors toute logique pour se transformer en immense ruban de Moëbius, casse-tête qui n’est pas sans évoquer ceux inventés par David Lynch, notamment dans Lost Highway.

Saut en auteurs

La référence ne s’en tient pas là car Josh est, comme Bill Pullman chez Lynch, pris d’une forme très corsée de schizophrénie, se parlant à lui-même et pratiquant l’automutilation pendant que son double erre dans les limbes en attendant de revenir parmi les vivants. Même le monstre du film a de faux airs d’homme-mystère avec son maquillage blanc et ses yeux passés au charbon. Mais ce serait un homme-mystère qui aurait copiné avec la famille Bates de Psychose, gamin brimé par une mère qui voulait une fille et qui doit se contenter de travestir son garçon. Si on y ajoute une grande et spectaculaire tentative de massacre familial façon Nicholson dans Shining, on commence à piger où ce diable de James Wan veut en venir : propulser le genre, pour son ultime tour de piste, dans l’arène du cinéma horrifique, non plus vers ses hauteurs, mais vers ses auteurs. Comme si la série B annoncée se commuait en cours de route en grand trip pop et psychédélique, où Lynch, Hitchcock et Kubrick seraient regardés comme des cimes certes inatteignables, mais dont on pourrait habilement remixer les figures cultes.

Le plus incroyable dans cet Insidious : chapitre 2 baroque et échevelé, c’est que plus Wan s’aventure vers des contrées risquées et inédites pour lui, plus il retrouve sa diabolique science du cheveu qui se dresse sur la tête. En cela, les soixante dernières minutes du film sont un festival de visions terrifiantes, dont la plus ahurissante est sans doute celle qui transforme le cortège de victimes en mannequins vivants mais inertes, cachés sous des draps blancs. Cette sarabande horrifique où tout le monde est à la fois lui-même et un autre, où l’on communique avec le passé et l’au-delà en ouvrant des portes et en plongeant dans l’obscurité, se conclut par le plus beau des points finaux. Wan dit au revoir au cinéma de terreur par un effet de signature magistral, que l’on prendrait pour un appel du pied vers une suite potentielle s’il n’était pas avant tout la preuve qu’un très grand cinéaste vient d’imposer sa marque au genre, comme personne ne l’avait fait ces quinze dernières années.

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