Un poète en panne d'écriture vit à l'écart du monde dans la vaste demeure que sa jeune et aimante épouse achève de rafistoler. L'arrivée d'un couple d'inconnus perturbe leur intimité. Mais si la maîtresse de maison est troublée par ces sans-gênes, le poète se montre des plus exaltés…
À croire qu'une internationale de cinéastes s'est donné pour mot d'interroger les tourments de l'inspiration littéraire : après Jim Jarmusch (Paterson), Pablo Larraín (Neruda), Mariano Cohn & Gastón Duprat (Citoyen d'honneur), voici que Darren Aronofsky propose sa vision du processus d'écriture. Vision divergée, puisqu'épousant les yeux de la muse plutôt que celle de l'auteur. Mais pas moins douloureuse : afin d'accomplir l'œuvre lui permettant d'être sans cesse adulé par ses lecteurs, le poète va vampiriser son entourage jusqu'aux derniers sangs, avec l'ingratitude égoïste d'un saprophyte.
Gore allégorique
Si dans Black Swan, l'acte créatif se confondait avec l'autodestruction de l'artiste, et dans Pi la recherche mathématique (une autre forme d'art) équivalait à une plongée dans la folie, Mother! nous fait entrevoir les ravages collatéraux de la conception en malmenant celle que Thérèse d'Avila désignait comme “la folle du logis”, l'imagination. Dans cette entreprise, Aronofsky montre à quel point l'expression “taquiner la muse” tient du doux euphémisme, mettant au jour la part haïssable et sombre de toute production lumineuse. La violence aveugle et la vanité de l'artiste également, ce Sisyphe condamné à détruire pour créer, qu'importent les conséquences.
De cette spirale fascinante l'on sort positivement éprouvé, avec un modeste regret : que les affiches préventives au style sulpicien n'aient pas été conservées pour accompagner le film durant son existence dans les salles. Leur terrible beauté, leur audace graphique rendaient fidèlement justice à l'histoire, sans en dévoiler les innombrables mystères. Malheureux les timorés !
Mother! de Darren Aronofsky (E.-U., 1h 55) avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer…
De Darren Aronofsky (ÉU, 1h55) avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris... Un couple voit sa relation remise en question par l'arrivée d'invités imprévus, perturbant leur tranquillité.
UGC Ciné-Cité Internationale 80 quai Charles de Gaulle Lyon 6e
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
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Aquarium : les avisés du bocal
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Petits poissons deviennent grands. Après trois années d’intenses activités, le ciné-café croix-roussien poursuit son développement façon pieuvre : à la fois vidéo-club, (...)
Vincent Raymond | Mardi 10 septembre 2019
Petits poissons deviennent grands. Après trois années d’intenses activités, le ciné-café croix-roussien poursuit son développement façon pieuvre : à la fois vidéo-club, troquet associatif, lieu de projections et d’échanges cinéphiliques, mais aussi ateliers de formation à la pratique de l’image, l’Aquarium constitue désormais l’indispensable pendant alternatif du Saint-Denis, la vénérable salle de quartier du Plateau.
Et pour bien lancer sa quatrième saison, la salle repense ses rendez-vous thématiques. Pas de panique : les fondamentaux sont conservés (Ciné-Mystère, soirées impro avec le CLAP, séances jeune public, cycles…) ; il faut compter avec de nouveaux repères. Comme l’anime du dimanche, qui une fois par mois, reprend à l’heure du goûter une œuvre emblématique de la japanimation — premier sur la liste, Your Name de Makoto Shinkai le 22 septembre. Autre bonne idée, le projet de remettre en lumière de futurs classiques injustement passés inaperçus, voire boudés lors de leur sortie : baptisée Films 21, Les Pépites du XXIe siècle, cette section prend un pari sur l’avenir en supprimant la périod
Everybody knows
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Comme le mécanisme à retardement d’une machine infernale, une horloge que l’on suppose être celle d’une église égrène patiemment les secondes, jusqu’à l’instant (...)
Vincent Raymond | Mercredi 9 mai 2018
Comme le mécanisme à retardement d’une machine infernale, une horloge que l’on suppose être celle d’une église égrène patiemment les secondes, jusqu’à l’instant fatidique où, l’heure sonnant, un formidable bourdonnement précipite l’envol d’oiseaux ayant trouvé refuge dans le beffroi. C’est peut dire que l’ouverture d’Everybody knows possède une forte dimension métaphorique ; sa puissance symbolique ne va cesser de s’affirmer. Installée au sommet de l’édifice central du village, façon nez au milieu de la figure, cette cloche est pareille à une vérité connue de tous, et cependant hors des regards. Elle propage sa sonorité dans les airs comme une rumeur impalpable, sans laisser de trace.
Battant à toute volée sur une campagne ibérique ensoleillée, telle une subliminale évocation de l’Hemingway période espagnol, cette cloche rappelle enfin de ne « jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour [soi]. » Pour l’illusion du bonheur et de l’harmonie, également, dans laquelle baignent Laura et ses enfants, qui revient en Espagne pour assister au mariage de sa sœur. Et retrouver sa f
Crème de Poirot à la neige : "Le Crime de l’Orient-Express"
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Kenneth Branagh n’a jamais manqué de panache. Las, le Britannique a eu l’exquise malchance de partager avec ses trop illustres devanciers Welles et (...)
Vincent Raymond | Mardi 12 décembre 2017
Kenneth Branagh n’a jamais manqué de panache. Las, le Britannique a eu l’exquise malchance de partager avec ses trop illustres devanciers Welles et Olivier un goût structurant pour Shakespeare. De l’avoir défendu avec ferveur sur les planches et de s’être jeté dans plusieurs de ces adaptations ambitieuses qui, à moins d’un engouement aussi inespéré que soudain pour le théâtre élisabéthain, attisent la méfiance des studios comme du grand public. Toutefois, parce qu’il est à l’instar d’Orson et Laurence un comédien éclectique prenant du plaisir à (tout) jouer, le cinéaste n’a jamais été mis au ban du métier. Il s’est même refait du crédit auprès des financeurs en signant du blockbuster pour Paramount et Disney. Envisageait-il déjà de redonner jeunesse et visage neufs au héros iconique d’Agatha Christie ? Le revoici en position de force à sa place favorite : des deux côtés de la caméra, en route pour une potentielle franchise.
Son Poirot embarque ici in extremis à bord du train de luxe pour un trajet agité : son wagon va se trouver immobilisé et il au
« Un metteur en scène est un détective »
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Réaliser ce film, était-ce pour vous le moyen de prendre part au meurtre tout en incarnant le personnage d’Hercule Poirot ?
Kenneth Branagh : C’est la (...)
Vincent Raymond | Mardi 12 décembre 2017
Réaliser ce film, était-ce pour vous le moyen de prendre part au meurtre tout en incarnant le personnage d’Hercule Poirot ?
Kenneth Branagh : C’est la première fois que j’ai l’occasion d’être à la fois réalisateur et détective, et je trouve que c’est un mélange parfait, puisque tous deux sont à la recherche de la vérité. Et lorsqu’Hercule Poirot mène son investigation pour trouver qui a commis le crime, il demande aux personnages d’être soit à l’intérieur, dehors, dans la cuisine, dans le tunnel pour les interroger — ce sont des indications de metteur en scène, c’est une mise en scène. Metteur en scène et détective sont à la recherche d’une vérité exprimée par l’acteur ou par le personnage : il s’agit toujours de débusquer la vérité et le mensonge. C’est très amusant d’être au milieu de tout cela.
Le Crime de l’Orient-Express arrive après Cendrillon ou Thor. Y a-t-il chez vous une volonté de vous approprier des thèmes connus et de les rendre contemporains ?
Pour moi, la modernité vient de l’intérieur. Qu’est-ce que le classicisme, si
Comme une faim de 2017
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Mother! de Darren Aronofsky
Initialement programmée pour novembre, la sortie du nouveau Aronofsky a été avancée pour cause de sélection vénitienne et (...)
Vincent Raymond | Mercredi 30 août 2017
Mother! de Darren Aronofsky
Initialement programmée pour novembre, la sortie du nouveau Aronofsky a été avancée pour cause de sélection vénitienne et c’est, à bien des égards, une excellente nouvelle. Déjà victorieux sur la Lagune avec The Wrestler en 2008, l’auteur de Requiem for a dream et de Black Swan convoque ici du lourd — Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Michelle - toujours active - Pfeiffer, Ed Harris — pour ce qui s’annonce comme un bon vieux thriller des familles, mâtiné de fantastique dérangeant. La double affiche préventive, offrande de style sulpicien revisité grand-guignol, tient de la promesse merveilleuse ; il faudra cependant patienter jusqu’à la clôture d’une très alléchante Mostra — le festival qui, désormais, donne avec Toronto le tempo des Oscar — pour savoir si ce mystérieux flacon recèle l’ivresse escomptée.
Le 13 septembre
X-Men : Apocalypse : le patron, c'est Bryan Singer
ECRANS |
Lorsqu’une franchise achemine sur les écrans son huitième opus en seize années d’existence, le plus docile et bienveillant des spectateurs est fondé à émettre (...)
Vincent Raymond | Mardi 17 mai 2016
Lorsqu’une franchise achemine sur les écrans son huitième opus en seize années d’existence, le plus docile et bienveillant des spectateurs est fondé à émettre quelque inquiétude quant à la pertinence du film. Heureusement, il existe des exceptions ; des sagas parvenant à coup de rebondissements intrinsèques à dépasser le stade de la “suite” et de la resucée, sachant se réinventer ou créer une singularité — James Bond en est un parangon.
Dans le vaste univers Marvel (en expansion continue), la tradition (du tiroir-caisse) impose à une série de se développer par ramifications autour de ses personnages-phares, puis de faire tabula rasa en lançant un reboot… tout en s’affadissant. Sauf pour X-Men, îlot d’exception dans un océan tanguant vers les rivages du morne ordinaire. Oh, cela ne signifie pas que l’ensemble de l’octalogie mérite d’être portée aux nues (un ventre mou modelé par Brett Rattner et Gavin Hood la plombe), mais elle présente, outre sa remarquable longévité, une capacité à absorber ses propres spin-off (Wolverine) et reboots (Days of Future Past) pour les fondre dans une masse paradoxalement homogène.
X-Men : Days of future past
ECRANS |
Un futur dévasté, peuplé de camps et de charniers, où humains et mutants sont ensemble victimes de robots (les Sentinelles) capables d’imiter les éléments et (...)
Christophe Chabert | Mardi 20 mai 2014
Un futur dévasté, peuplé de camps et de charniers, où humains et mutants sont ensemble victimes de robots (les Sentinelles) capables d’imiter les éléments et les métaux ; et l’Amérique des années 60, encore traumatisée par la mort de Kennedy et en pleine crise du Vietnam, où Nixon développe sa politique réactionnaire et où les mutants commencent à se structurer en mouvement révolutionnaire. Le défi de ce X-Men : Days of future past, basé sur l'un des plus fameux arcs narratifs du comic book d'origine (signé Chris Claremont et John Byrne en 1981), consiste à replier le futur sur le passé en une seule temporalité fictionnelle, enjambant le présent qui avait été celui de la première trilogie et dont Bryan Singer avait su tirer de stupéfiants blockbusters engagés et personnels, bourrés de sous-textes et développant ses personnages comme autant d’icônes de la culture populaire. Ce nouveau volet, qui marque son retour aux manettes mais aussi en grande forme après les déconvenues Superman et Jack le chasseur de géants, en ajoute une poignée dès son ouverture, impressionnante.
Au milieu d’un décor en ruines, une mutante aide ses camarades à co
Noé
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Qui était Noé selon Darren Aronofsky ? Un fanatique écolo, illuminé par l’annonce d’un désastre et la damnation d’une humanité corrompue, entouré par des anges (...)
Christophe Chabert | Dimanche 13 avril 2014
Qui était Noé selon Darren Aronofsky ? Un fanatique écolo, illuminé par l’annonce d’un désastre et la damnation d’une humanité corrompue, entouré par des anges envoyés par Dieu et incarnés en géants de pierre aux yeux phosphorescents. Ce résumé lapidaire de la première heure — interminable — de Noé résume dans le fond le formatage auquel est soumis ce blockbuster : un peu d’air du temps, un peu de messianisme divin — quand va-t-on nous foutre la paix avec ces stupides histoires de religion et quand passera-t-on au XXIe siècle dans cet occident que l’on dit éclairé et que l’on trouve de plus en plus obscurantiste ? — et un peu d’héroïc fantasy. Comme liant, un sérieux papal dans des dialogues qui calquent grossièrement ceux de n’importe quel serial historique actuel — Game of thrones, pour ne pas le citer.
Face à ce gros foutoir en forme de kouglof indigeste et laborieux, on attend, comme dans l’expression consacrée, le déluge, car tout Aronofsky qu’il soit, c’est bien ce qu’on demande à un cinéaste qui engloutit plus de cent millions de dollars dans un film sur l’arche de Noé : filmer ce putain de déluge, même si celui-ci n’est que l’addition d’effets n
Hunger Games : l’embrasement
ECRANS |
Le premier volet de Hunger Games n’était pas fameux, mais il était curieux. Par ses choix de mise en scène presque arty, mais aussi par la fascination (...)
Christophe Chabert | Lundi 25 novembre 2013
Le premier volet de Hunger Games n’était pas fameux, mais il était curieux. Par ses choix de mise en scène presque arty, mais aussi par la fascination totale de son réalisateur Gary Ross envers Jennifer Lawrence, qu’il filmait sous toutes les coutures, en action ou en train de ne rien faire, iconisant à l’extrême son héroïne dans un film qui, par ailleurs, n’allait au bout de rien.
Entre les mains de Francis Lawrence, ce Battle royale pour les nuls vire à la catastrophe light, se transformant en une énième série télé pour grand écran où tout devient lisse : enjeux, personnages, violence — inexistante —, sexualité — il faut voir comment on filme une fille se dénudant pour comprendre le degré de puritanisme dans lequel s’enfonce ce cinéma mainstream pour ado… Surtout, passées les vingt premières minutes qui essaient vaguement de retrouver les questions politiques timidement soulevés par la première partie, Hunger Games : l’embrasement ne fait qu’en reprendre le déroulé hyper attendu, renouvelant ses seconds rôles — forcément, les autres se sont tous faits dessouder dans le précédent — sans arriver à les développer au-de
Cartel
ECRANS |
Il y a sans doute eu maldonne quelque part. Comment un grand studio hollywoodien a-t-il pu laisser Cormac McCarthy, romancier certes adulé mais (...)
Christophe Chabert | Mardi 12 novembre 2013
Il y a sans doute eu maldonne quelque part. Comment un grand studio hollywoodien a-t-il pu laisser Cormac McCarthy, romancier certes adulé mais absolument novice en matière d’écriture cinématographique, signer de sa seule plume ce Cartel, le faire produire par la Fox et réaliser par un Ridley Scott réduit ces dernières années à cloner sans panache ses plus grands succès (Robin des Bois, sous-Gladiator, Prometheus, sous-Alien…) ? Le film est en tout point fidèle à la lettre et à l’esprit de ses œuvres littéraires : omniprésence de la corruption morale, déliquescence d’un monde livré à la sauvagerie et s’enfonçant dans une régression inéluctable vers le chaos, voilà pour l’esprit ; pour la lettre, c’est là que le bât blesse, tant McCarthy se contrefout éperdument des règles élémentaires de la dramaturgie cinématographique.
Pas d’expositions des personnages, de longues conversations plutôt virtuoses dans leur façon d’exprimer les choses sans vraiment les nommer, mais qui versen
Malavita
ECRANS |
Un film d’animation pour enfants, une bio d’Aung San Suu Kyi, une comédie de mafia avec De Niro… La filmographie de Luc Besson prend des allures (...)
Christophe Chabert | Samedi 26 octobre 2013
Un film d’animation pour enfants, une bio d’Aung San Suu Kyi, une comédie de mafia avec De Niro… La filmographie de Luc Besson prend des allures d’inventaire à la Prévert, alignant les versions premium des produits cheaps livrés par EuropaCorp, dont il assure lui-même la réalisation en y apposant un savoir-faire de moins en moins flagrant. Malavita, adapté d’un roman de Tonino Benacquista, portait pourtant en lui une belle promesse : celle de faire se rencontrer la mythologie phare du cinéma américain, celle des films de mafieux new-yorkais façon Scorsese, et la réalité de la France d’aujourd’hui.
On y voit ainsi une famille de repentis s’installer dans un bled paumé en Normandie et tenter d’y faire profil bas, même si le naturel revient toujours au galop. De tout cela, il ne sort qu’une médiocre comédie policière, nonchalante dans ses enjeux, incroyablement mal écrite, et où seuls les deux acteurs principaux (De Niro et Pfeiffer) réussissent à tirer leur épingle du jeu en ne cherchant ni à être des parodies de leurs personnages mythiques, ni des pantins au service d’un film opportuniste.
Dégénéré
Car Besson ne tire absolument rien de son argum
À la merveille
ECRANS |
Les dernières images de Tree of life montraient l’incarnation de la grâce danser sur une plage, outre monde possible pour un fils cherchant à se réconcilier (...)
Christophe Chabert | Mardi 26 février 2013
Les dernières images de Tree of life montraient l’incarnation de la grâce danser sur une plage, outre monde possible pour un fils cherchant à se réconcilier avec lui-même et ses souvenirs. C’était sublime, l’expression d’un artiste génial qui avait longuement mûri un film total, alliant l’intime et la métaphysique dans un même élan vital. Autant dire que Terrence Malick était parti loin, très loin. Comment allait-il revenir au monde, après l’avoir à ce point transcendé ? La première scène d’À la merveille répond de manière fulgurante et inattendue : nous voilà dans un TGV, au plus près d’un couple qui se filme avec un téléphone portable. Malick le magicien devient Malick le malicieux : l’Americana rêvée de Tree of life laisse la place à la France d’aujourd’hui et les plans somptueux d’Emmanuel Lubezki sont remplacés par les pixels rugueux d’une caméra domestique saisissant l’intimité d’un homme et d’une femme en voyage, direction «la merveille» : le Mont Saint-Michel. La voix-off est toujours là, mais dans la langue de Molière — le film parle un mélange de français, d’espagnol, d’italien et d’anglais — et son incipit est là aussi une
Happiness therapy
ECRANS |
Pat Solotano est bizarre. Il faut dire qu’il a sauvagement tabassé l’amant de sa femme quand il les a découverts nus sous la douche en rentrant de son (...)
Christophe Chabert | Vendredi 25 janvier 2013
Pat Solotano est bizarre. Il faut dire qu’il a sauvagement tabassé l’amant de sa femme quand il les a découverts nus sous la douche en rentrant de son boulot. Complètement cinglé selon les uns, temporairement perturbé selon les autres, en voie de rémission selon lui-même, on lui donne une chance de sortir de l’asile où il a atterri pour échapper à la prison, et le voilà revenu chez ses parents. Eux aussi sont un peu bizarres : la mère est surprotectrice, le père est bourré de tocs. Même ses amis sont bizarres, à leur façon : un couple très dépareillé qui ne trouve son équilibre qu’en ravalant ses frustrations, et une jeune veuve devenue nymphomane et obsédée par l’idée de réussir un concours de danse. Pour ceux qui ne le sauraient pas, David O’Russell est aussi un type bizarre : à l’époque de son manifeste cinématographique hermétique (J’♥ Huckabees), il donnait ses interviews pieds nus et dans une sorte de transe méditative. Happiness therapy veut faire de cette bizarrerie généralisée la matière à un renouveau de la comédie romantique. Les personnages y chercheraient une forme d’équilibre par le chaos psychologique ambiant, et les codes les plus attendus
Skyfall
ECRANS |
Rappel des faits : avec Casino Royale, la plus ancienne franchise de l’histoire du cinéma tentait un lifting radical, à la fois retour aux origines du héros (...)
Christophe Chabert | Lundi 29 octobre 2012
Rappel des faits : avec Casino Royale, la plus ancienne franchise de l’histoire du cinéma tentait un lifting radical, à la fois retour aux origines du héros et volonté de lui offrir une mise à jour réaliste. Globalement salué, notamment à cause de l’implication de Daniel Craig pour camper un James Bond badass et pourtant vulnérable, ce premier volet s’est vu immédiatement entaché par une suite catastrophique, Quantum of Solace, qui courait pathétiquement derrière les Jason Bourne de Paul Greengrass et ne produisait que du récit indigent et de l’action illisible. Le prologue de Skyfall montre que les producteurs ont bien retenu la leçon : sans être révolutionnaire, il offre une scène d’action parfaitement claire et plausible, filmée avec calme et élégance — Roger Deakins, le chef op’ des Coen, est à la photo et cela se sent. La conclusion montre une fois de plus un Bond fragile, qu’une balle pourrait bien envoyer ad patres — là encore, beau plan sous-marin qui embraye sur un générique tout de suite plus kitsch, mais c’est la l
Happy New Year
ECRANS |
Echec permanent, le nouvel an avait peu de chance de trouver un salut au cinéma. Pas plus que la Saint-Valentin, déjà prétexte à un film people pour Garry (...)
Jerôme Dittmar | Vendredi 16 décembre 2011
Echec permanent, le nouvel an avait peu de chance de trouver un salut au cinéma. Pas plus que la Saint-Valentin, déjà prétexte à un film people pour Garry Marshall. Regroupant une brochette de stars dans le creux de la vague ou à l'avenir incertain, Happy New Year tente pourtant l'impossible : le film choral sur la Saint-Sylvestre. Suivant le patron de Love Actually, Marshall assemble dix intrigues bidons pour n'en traiter aucune, veillant seulement au temps de présence du casting et justifier l'événement qui lui sert d'alibi. Jumeau en tout mais moins honteux que Valentine`s Day, Happy New Year tient du pudding de Noël, de la comédie romantique sucrée et eucharistique, entièrement prisonnière de son concept marketing sur la rédemption. Du néant, assez linéaire, s'échappe malgré tout Michelle Pfeiffer. En duo improbable avec Zac Efron, l'actrice erre ébahie, fragile, insaisissable, Catwoman malade fissurant d'un regard la formule insipide pour lui offrir un peu de sublime.Jérôme Dittmar
Winter’s bone
ECRANS |
Invitée surprise des prochains oscars, cette production indépendante joue l’exotisme à l’envers : il montre un bout d’Amérique inédit sur les écrans, celle des (...)
Christophe Chabert | Mercredi 23 février 2011
Invitée surprise des prochains oscars, cette production indépendante joue l’exotisme à l’envers : il montre un bout d’Amérique inédit sur les écrans, celle des bicoques délabrées d’un Missouri brumeux et boueux, et les familles pauvres qui les habitent. Le meilleur du film de Debra Granik est d’ailleurs dans ses séquences purement ethnologiques et documentaires. Elle y greffe par-dessus une fiction qui a tendance à affadir l’ensemble par un misérabilisme appuyé. Le puits de poisse qui s’abat sur cette adolescente refusant, pour protéger sa famille, de courber l’échine face à la violence, le machisme et la corruption, aurait mérité une touche d’humour, d’onirisme ou d’innocence ; une distance, celle que David Gordon Green avait trouvée dans son beau (et trop peu vu) "L’Autre Rive". CC
Black Swan
ECRANS |
Éternel espoir d’une prestigieuse troupe de ballet new-yorkaise, Nina est à deux pas d’obtenir le sésame qui fera décoller sa carrière : le premier rôle d’une (...)
Christophe Chabert | Mardi 1 février 2011
Éternel espoir d’une prestigieuse troupe de ballet new-yorkaise, Nina est à deux pas d’obtenir le sésame qui fera décoller sa carrière : le premier rôle d’une nouvelle création du "Lac des Cygnes" montée par un énigmatique et ambigu chorégraphe français, Thomas. Elle réussit haut la main les auditions dans la peau du cygne blanc, mais sa puérilité et son manque d’érotisme laissent planer un doute sur sa capacité à incarner son envers démoniaque, le cygne noir. D’autant plus qu’une jeune recrue, Lily, paraît bien plus à l’aise qu’elle, libre dans son corps et assumant une sexualité agressive qui nourrit sa prestation. Nina est un personnage polanskien, cousin de celui de Deneuve dans "Répulsion", mais accomplissant un trajet inversé : plutôt que de choisir la claustration conduisant à une folie homicide et autodestructrice face à la «menace» du désir, Nina doit au contraire sortir d’elle-même et de l’appartement dans lequel elle vit avec une mère surprotectrice, danseuse ratée reportant sur sa progéniture ses ambitions avortées — là, on est plutôt du côté du "Carrie" de De Palma. Elle subira cette révélation du sexe comme une transformation monstrueuse, la poussant vers une forme
Les Chemins de la liberté
ECRANS |
Avec "Master and Commander", Peter Weir renouait avec la splendeur oubliée du cinéma d’aventure. Majestueux, épique, iodé, intelligent, précis, ce grand film de (...)
Dorotée Aznar | Vendredi 21 janvier 2011
Avec "Master and Commander", Peter Weir renouait avec la splendeur oubliée du cinéma d’aventure. Majestueux, épique, iodé, intelligent, précis, ce grand film de flibustier au style vigoureux et réaliste noyait, un peu, les aléas de la carrière américaine du cinéaste. Sept ans plus tard, l’auteur de "Gallipoli" revient aux tourments de la guerre avec "Les Chemins de la liberté". Le film, inspiré d’un roman, a toutes les clés en main pour synthétiser sous une forme épurée le cinéma de Weir. Une période historique charnière : la Seconde Guerre mondiale. Un territoire vaste et riche d’enjeux politiques : l’Union Soviétique, depuis ses goulags staliniens jusqu’aux confins de ses pays satellites. Et des hommes dont la bravoure vaut comme une leçon de liberté : un groupe de prisonniers parcourent des milliers de kilomètres, de la Sibérie jusqu’à l’Inde, afin d’échapper aux communistes. Sauf que la promesse d’un grand survival en terrain hostile qui referait, à pied et avec pragmatisme, l’épreuve géographique du totalitarisme, a du mal à tenir sa feuille de route.
Koh-Lanta
Le cinéma de Weir s’est bâti sur la cohabitation entre un esp
Biutiful
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Dans "Biutiful", on ne sait pas qui va le plus mal : le héros Uxbal (Javier Bardem, méritant), ancien dealer dont la femme couche avec son frère, et qui se (...)
Christophe Chabert | Mercredi 13 octobre 2010
Dans "Biutiful", on ne sait pas qui va le plus mal : le héros Uxbal (Javier Bardem, méritant), ancien dealer dont la femme couche avec son frère, et qui se meurt lentement d’un cancer incurable ? Le monde, qui sous la caméra d’Alejandro Gonzalez Iñarritu ressemble à une sorte d’enfer social où tout est sale, corrompu, gangrené par le désespoir ? Ou le film lui-même, qui se repaît de ces humeurs malades jusqu’à en faire un système de représentation ? Revenu à une pure linéarité, débarrassé des constructions tarabiscotées de son scénariste Guillermo Arriaga, le cinéma d’Iñarritu est ici tout nu : son regard sulpicien et complaisant sur la misère sous toutes ses formes arrive à peine à se planquer derrière de grossiers effets de mise en scène et un déluge de pathos.
Mauche
Un exemple est frappant : Uxbal possède le pouvoir de parler avec les morts. Cette intrusion du fantastique dans le récit ne débouche sur rien, sinon quelques séquences où le trouble d’Uxbal conduit à une bande-son bourdonnante et une caméra qui tremble comme sous l’effet d’un séisme. À l’autre extrême de cette virtuosité sans enjeu, la scène de l’arrestation d
The Wrestler
ECRANS |
Randy «The Ram» (le bélier) est un vieux catcheur à moitié sourd, qui vit seul dans une caravane et continue de se produire dans des galas avec d’autres (...)
Christophe Chabert | Vendredi 13 février 2009
Randy «The Ram» (le bélier) est un vieux catcheur à moitié sourd, qui vit seul dans une caravane et continue de se produire dans des galas avec d’autres gloires fânées. Sa seule amie est une strip-teaseuse elle aussi vieillissante pour qui on ne sait trop si Randy est son client préféré ou un peu plus que ça. La ligne claire narrative et la mise en scène presque «dardenienne» du nouveau film de Darren Aronofsky ressemblent à un retour à la raison après le foirage de The Fountain, film ambitieux mais plombé par un manque de moyens et un discours métaphysique vaseux.
Retour à l’essentiel : un acteur, un personnage, des enjeux simples (chute et rédemption) et une idée fabuleuse qui consiste à faire de ce corps abîmé, fatigué, que l’on accompagne caméra à l’épaule dans une Amérique crépusculaire et nostalgique (le présent s’y incruste discrètement via deux allusions à la guerre en Irak) un pur récit. Bien mieux, dans le fond, que Fincher dans Benjamin
Appaloosa
ECRANS |
Sous le climat rugueux d'un Far West flattant doucettement ses images d'Épinal, Virgil Cole et son adjoint Everett Hitch jouent les redresseurs de (...)
Dorotée Aznar | Jeudi 9 octobre 2008
Sous le climat rugueux d'un Far West flattant doucettement ses images d'Épinal, Virgil Cole et son adjoint Everett Hitch jouent les redresseurs de torts itinérants et a priori sans attaches. Appelés à la rescousse par les notables de la ville d'Appaloosa, les justiciers vont se confronter à Randall Bragg, salopard surfant sans vergogne sur l'avidité d'un pays en pleine préfiguration économique. En sus, ils vont devoir composer avec l'arrivée d'une sémillante veuve un peu trop esseulée... Difficile (impossible ?) de passer après le décrassage esthétique, viscéral, politique et moral opéré sur la charogne du western par toute l'équipe de la série Deadwood. Ed Harris s'acquitte très honorablement de la gageure en marchant peu ou prou dans les pas du James Mangold de 3h10 pour Yuma, à travers une mise en scène sèche, refusant tout spectaculaire, dans une ambiance crépusculaire où les hommes économisent autant leurs paroles que leurs balles. Ce qui intéresse le réalisateur/scénariste dans son adaptation du livre de Robert B. Parker, c'est plutôt l'auscultation de la pureté idéalisée de la relation entre Virgil et Everett, les confrontations de leur système de valeur, où la justice va da
No country for old men
ECRANS |
Le désert, la route, des motels et des diners : un paysage américain traditionnel. Des tueurs, un magot, un shérif : des ingrédients empruntant autant au film (...)
Christophe Chabert | Mercredi 30 janvier 2008
Le désert, la route, des motels et des diners : un paysage américain traditionnel. Des tueurs, un magot, un shérif : des ingrédients empruntant autant au film noir qu'au western. Et un mélange d'humour noir, d'ultra violence et de métaphysique : l'archétype d'un film des frères Coen, tiré d'un roman de Cormac McCarthy. No country for old men pourrait se résumer à cette formule-là, et son commentaire à l'alchimie inexplicable qui s'en dégage. Difficile par exemple d'expliquer pourquoi les fusillades qui constituent le cœur du film sont si grisantes : une certaine perfection dans le traitement de l'espace, du temps et du son fait que l'on se sent immédiatement impliqué dans le suspense dément qui s'y instaure. Pareil pour la qualité du dialogue, point fort des frangins depuis un bail, mais atteignant ici un degré de maîtrise tel qu'il permet de rendre inoubliables les répliques laconiques du tueur implacable (Javier Bardem) comme le magnifique monologue final de Tommy Lee Jones. En cela, No country for old men est un film touché par la grâce.
La musique du hasard
Cependant, ce film impressionnant de maîtrise est aussi un film sur... le hasard. L