Lundi 17 mai 2021 Treize artistes issus du continent africain, ou inspiré par lui, ont pris leurs quartiers chez Manifesta, galerie hybride qui a invité la foire parisienne AKAA. Une exposition réussie qui bouleverse quelques idées reçues.
Les dessous des avant-gardes
Par Jean-Emmanuel Denave
Publié Mardi 24 mai 2016 - 2382 lectures
Photo : © DR
Histoire de l'Art / L'historienne de l'art Béatrice Joyeux-Prunel jette un regard dépassionné et kaléidoscopique sur le phénomène des avant-gardes artistiques. Et substitue aux débats purement esthétiques des données factuelles, économiques et sociologiques.
Rien de tel qu'un bon livre d'Histoire pour nous remettre les idées en place et dissoudre, dans le réel des faits et leur analyse, bien des clichés. Les avant-gardes artistiques (Réalisme, Cubisme, Futurisme, Impressionnisme, Néo-impressionnisme, Expressionisme...) en regorgent et l'on se sert souvent de tous ces « ismes » comme autant de petits mythes sans bien savoir ce qu'ils recouvrent de contradictions, de rapports de force, de stratégies triviales ou subtiles...
Béatrice Joyeux-Prunel ouvre grand le dossier et publie un premier tome (d'une trilogie qui cheminera jusqu'en 1968) sur les avant-gardes de 1848 à 1918, soit en gros du Réalisme à Dada. Les esthètes en seront pour leurs frais, car l'auteur ne se focalise pas sur les débats artistiques, mais approche son objet sous un angle plus large et multi-focal en décrivant « l'histoire des groupes qui ont renouvelé les pratiques artistiques non comme celle d'une somme d'individus ; et [en faisant] le bilan historique, social, économique, anthropologique et culturel de plusieurs décennies d'une histoire que l'on aimerait aborder sans passions. »
Sa définition de l'avant-garde est de surcroît prosaïquement sociologique (avec pour référence principale Pierre Bourdieu) : « Être à l'avant-garde dans les arts […] c'est à la fois affirmer et être dans une position de rupture dans le champ des luttes pour la conquête de la réputation artistique, à une époque donnée. »
Complexité
Que Gustave Courbet, par exemple, soit ou non un « grand artiste » n'est pas le problème essentiel de Béatrice Joyeux-Prunel. Elle détricote plutôt sa trajectoire au sein d'une configuration socioculturelle dominée alors par l'Académie des Beaux-Arts, le Salon annuel et l'École des Beaux-Arts, configuration en crise au 19e siècle face à la multiplication du nombre des artistes en France.
La rupture esthétique de Courbet et du Réalisme s'inscrit dans un contexte et s'accompagne de stratégies assez futées du peintre pour étayer sa carrière sur d'autres espaces de légitimité : en 1855, il monte son propre pavillon du Réalisme en face de l'entrée du Palais des Beaux-Arts de l'Exposition Universelle, en misant sur un nouveau « marché » ; plus tard il jouera d'une vraie-fausse reconnaissance en province ou à l'étranger afin de pourfendre l'académisme parisien...
À l'autre extrémité de la période étudiée dans ce premier volume, on lira avec intérêt les démêlés de Dada à Zurich pour s'imposer-s'opposer au Cubisme et au Futurisme. On apprend un tas de choses très concrètes et passionnantes dans le livre de Béatrice Joyeux-Prunel, et surtout ceci : toute mythologie ou légende artistique cèle une situation beaucoup plus complexe et humaine.
Béatrice Joteux-Prunel, Les avant-gardes artistiques 1848-1918 (Folio Histoire)
Rencontre avec l'auteur à la Galerie Michel Descours le vendredi 27 mai à 20h30
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