Johanson le glas

Musique / À Lyon, les Suédois se suivent et ne se ressemblent pas. Après un Peter Von Poehl vespéral la semaine dernière, c’est un Jay-Jay Johanson sublimement cafardeux qui vient nous rendre visite. Dépressifs s’abstenir. Stéphane Duchêne

Tête renversée, main sur le front, façon mannequin La Redoute en plein malaise vagal, sur la pochette de Self-Portrait, son dernier album, Jay-Jay Johanson n’a pas l’air en grande forme. Celui qui, si on en croit sa bio, a été élu en son temps plus bel homme du monde, y arbore même cheveux longs et barbe négligée. Mauvais signe quand on le connaît. Chez JJ, la santé discographique a toujours été concomitante de sa situation capillaire du moment : méché blond pour Whiskey où il singeait Chet Baker en plein trip (hop) jazzy, légèrement bruni et beau comme un Norman Bates pour le noir Poison ou garçon-coiffeur post-atomique pour le techno-pop (et effroyable) Antenna. Et effectivement après ses errements techno-pop et même house, Jay-Jay le poilu gagne en profondeur et surtout en noirceur. Creusant un peu plus un sillon cinématographique (Johanson a réalisé deux musiques de films, La Confusion des Genres (2000) et La Troisième Partie du Monde (2008)) qui confirme notamment son intérêt, déjà présent en pointillé par le passé, pour le travail de Michael Nyman, le Suédois en profite allègrement pour creuser sa tombe et s’y allonger pour la sieste. Avaries
Si Self-Portrait, album long en bouche mais difficile d’accès, hermétique aux tentatives d’écoutes à la va-vite, est fortement déconseillé aux personnes dépressives ou sujettes aux troubles de l’attention, les courageux auront la joie (façon de parler) d’y retrouver un Jay-Jay à la fois apaisé et KO. Un Jay-Jay qui semble, sans plus se soucier des apparences, avoir enfin accepté d’être lui-même : soit un tripoteur compulsif de textures et d’ambiances enfin délesté de contraintes urticantes et superficielles comme se raser, composer des tubes ou composer tout court (au sens de faire des concessions). Aux filles suavement appâtées dans leur jeunesse au son du fameux So tell the girls that I’m back in town, Jay-Jay colle désormais des pains pour mieux se rouler dans la repentance (Broken Nose, flippant piano-voix). Et accumule les avaries comme on enfile des perles (sélection de titres au programme des réjouissances : Trauma, Medicine, Sore, My Mother’s Grave). D’où, à n’en pas douter, le malaise de la pochette. Peu importe : comme, avant lui, Scott Walker, ex-grand «en-tubeur» vaporisé sur le tard dans l’abstraction et l’antimatière pop sans rien perdre de son génie, Jay-Jay nous prouve à sa manière qu’à quelque chose malaise est bon.Jay-Jay Johanson
À l’Epicerie Moderne, jeudi 2 avril
«Self-Portrait» (EMI)

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