Rusalka, la petite péripatéticienne

Rusalka

Opéra de Lyon

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

A l'Opéra de Lyon, le metteur en scène norvégien Stefan Herheim aborde le grand œuvre fantastique de Dvořák comme une comédie musicale trash. Jubilatoire. Benjamin Mialot

Scapin transformé en indic hier, Rusalka changée en prostituée aujourd'hui : la révision de classiques, au sens régénérateur du terme, est un sport à la mode cette saison. Laurent Brethome et Stefan Herheim n'en ont pas tout à fait la même pratique. Joueur, le premier teintait le classique de Molière d'un noir emprunté aux séries criminelles ; provocateur, le second repeint l'opéra majeur de Dvořák aux couleurs (et proportions mammaires) exubérantes d'un musical queer – entreprise qui culmine au deuxième acte, le temps d'un mariage orgiaque et païen débordant sur le premier balcon et le parterre comme une projection animée du Rocky Horror Picture Show.

Au coup de trompette final, domine toutefois un même sentiment de modernité : des dialogues dans un cas, de la narration dans l'autre – y compris musicale, les arpèges de harpe du compositeur tchèque sonnant sous la direction de Konstantin Chudovsky plus que jamais comme des gimmicks cinématographiques – de la mise en scène (que résume ici un étonnant doublement de la scène d'introduction) et plus encore du sous-texte dans les deux.

Un petit poisson, un petit oiseau

Car ce Rusalka-là qui, tout en filant la métaphore aquatique (robes d'écailles, pluie, figurants en costumes de poissons abyssaux) prend de sanglantes et monumentales (magnifique décor urbain avec diner à la Hopper, sex shop à volet tagué et colonne/aquarium Morris amovible) distances avec les contes d'Erben et Andersen à l'origine du livret de Jaroslav Kvapil, ne raconte pas tant l'histoire d'un amour impossible que la difficulté qu'il y a à être une femme dans un monde d'hommes et, surtout, à être soi-même dans un monde de normes. Si l'ondine qui murmure à l'oreille des marins finit condamnée au tourment, ce n'est pas parce que, misant par l'entremise d'une sorcière (Jaina Baechle, toute en rondeurs sadiques) sa voix contre l'amour de l'un d'eux (Dmytro Popov, impeccable en fat qui ne pense qu'avec son attribut), elle a pêché par excès de naïveté, mais parce qu'elle s'est imaginée un futur différent de celui dicté par son milieu.

Ironie du sort, Stefan Herheim est en passe de connaître la même désillusion : aux coups de poignard punitifs de voisines de trottoir grimées en nonnes répondirent, le soir de notre présence, les piques de fidèles fardés en gardiens du temple («vulgaire», «gratuit», «ridicule»...). Ils furent heureusement rapidement couverts par une autre petite musique irrévérencieuse : les encouragements de lycéens conquis par ce petit miracle (de Noël) d'iconoclasme et de générosité.

Rusalka
A l'Opéra de Lyon jusqu'au 1er janvier

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