Wassup Rockers

Mercredi 12 avril 2006 /

Le cinéaste et photographe américain Larry Clark filme à Los Angeles des skaters latinos dans un nouvel opus mineur, toujours sur les mineurs. Un road-movie tragi-comique, plus solaire qu'auparavant.

Finis les films d'adolescents : Larry Clark l'avait juré en 2003 à Lyon, invité par la Biennale d'art contemporain. Quatre ans après Ken Park, son dernier long métrage censuré aux États-Unis et retiré de l'affiche en France, le réalisateur de Kids, Another Day in paradise et Bully, remet pourtant ça. Avec une curieuse bande de skaters, comme dans l'âpre Ken Park justement, considéré comme "l'aboutissement de [ses] travaux plastiques et photographiques". N'avait-il pas tout dit sur le sujet, tout montré d'un œil patient et quasi amoureux ? Dans Wassup Rockers, l'objet du désir et de l'observation change. Aux ados blancs désœuvrés, livrés à eux-mêmes et déjà revenus de tout, succède une plus innocente fratrie de latinos, fondus de punk rock. À South Central, ghetto pauvre de Los Angeles, ils détonent. Longs cheveux noirs et jeans (très) moulants, ils arborent une dégaine loin du cliché chicano, quand tout le quartier gangsta-rap est au large dans les baggys.Road movie à roulettesLe film les suit sur une journée et une nuit dans un style proche du documentaire. Les gamins en question ne sont pas des acteurs, mais jouent à être eux-mêmes. Larry Clark les a rencontrés par hasard à Venise, lors d'une séance photos pour le magazine français Rebel. Séduit par leur originalité - " Exubérants, ils ne buvaient pas, ne se droguaient pas, ne fumaient pas. Ils s'éclataient au naturel " - il leur taille sur mesure un road movie à roulettes, par lequel ils sèment le chaos sans le vouloir, jusque dans les enclaves riches et racistes de Beverly Hills. Et les colle, à son habitude, sans distance hautaine, ni jugement, les laissant improviser leurs conversations, source de quelques longueurs. Si des motifs de précédents films réapparaissent au débotté - plans serrés et décrochés sur les fines moustaches humectées, les regards endormis, les quelques appâts juvéniles des filles... - d'aucuns pourraient dire de Larry Clark qu'il s'est assagi, qu'il a enfin réalisé "un film sans drogues". "Quelque chose de différent", où le sexe est souvent hors champ. Central dans son œuvre thématique, le rapport aux adultes est ici décliné en caricatures sociales parfois guignolesques. Récit d'initiation, Wassup Rockers oscille au gré des accès de comédie et de courtes pincées de violence, tout en prolongeant l'atmosphère apaisée de la scène finale de Ken Park. Si Larry Clark filme encore la fuite et l'éternité de la jeunesse, si elle y laisse encore des plumes, le regard porté n'est plus tout à fait le même, plus tamisé et aussi, plus anecdotique.Christophe JacquetWassup Rockers de Larry Clark (EU, 1h45), avec Jonathan Velasquez, Francisco Pedrasa, Milton Velasquez, Usvaldo Panameno, Eddie Velasquez, Carlos Ramirez...