Blog : Tout sur Bernard
Vendredi 22 mai

Je ne vais pas raconter ma vie, mais pendant ce festival, je ne crèche pas sur la Croisette, mais Ă sept bornes de lĂ . Tous les matins, c'est donc dans un bus lambda que je rejoins le Palais des festivals pour attaquer le marathon. Rituel devenu sympa, qui permet de lier connaissance avec d'autres festivaliers, dont ce couple de rĂ©alisateurs venus dĂ©fendre leur court-mĂ©trage au 'short film corner', et que je salue et remercie pour leur dĂ©licieuse conversation cinĂ©phile. Mais ce matin, stupeur et tremblement de joie, qui dĂ©barque dans ledit bus ? Bernard Menez ! L'interprète des films mythiques de Jacques Rozier et Pascal Thomas, avec qui, il y a huit ans, j'avais rĂ©alisĂ© une interview mĂ©morable, hors de toute actualitĂ©, oĂą l'on avait discutĂ© de cinĂ©ma, mais aussi de cyclisme (sa passion). La prĂ©sence de ce passager hors norme Ă fait son effet, et quand on l'a vu, le soir mĂŞme, monter les marches en smoking pour voir «À l'origine» de Xavier Gianolli, on se disait que ce festival est quand mĂŞme un drĂ´le de machin, oĂą tout ou presque peut arriver ! Dans le mĂŞme registre, entre deux films, les rumeurs couraient dans tous les sens sur la Croisette. Après la prĂ©sentation du Tarantino (qui a, c'Ă©tait Ă prĂ©voir, Ă©nervĂ© plus d'un fan de Pulp fiction), il se murmurait que le film n'Ă©tait vraiment pas fini, et qu'il en manquait au moins une demi-heure, que Quentin n'aurait pas eu le temps de monter avant la prĂ©sentation du film. Autant dire que si l'info se confirme, cette première n'en aura pas Ă©tĂ© une, mais la projo d'une copie de travail luxueuse et splendide, mais qui pourrait bien dĂ©boucher sur un tout autre film Ă l'arrivĂ©e. Autre rumeur, plus fondĂ©e celle-lĂ : l'hyper-attendu Soudain le vide de Gaspar NoĂ©, prĂ©sentĂ© ce vendredi en sĂ©ance unique (finalement, une projection de presse a Ă©tĂ© rajoutĂ©e in extremis), ne durerait pas 2h30, mais 2h45, et la copie serait lĂ encore une version provisoire, le montage Ă©tant loin d'ĂŞtre terminĂ©. On verra si, comme pour le Tarantino, le brouillon enfonce dĂ©jĂ beaucoup de films terminĂ©s sĂ©lectionnĂ©s dans la compĂ©tition. Mais c'est aussi un gros risque ; vu le nombre de professionnels prĂ©sents, beaucoup pourraient appliquer la fameuse formule : on n'a jamais de deuxième chance pour faire une première impression. Une rumeur que l'on lance, nous : le film de Michael Haneke, Le Ruban blanc, est un candidat extrĂŞmement sĂ©rieux Ă la Palme d'or. C'est une œuvre exigeante, complexe, Ă la beautĂ© fulgurante et Ă©crasante en mĂŞme temps, qui raconte une sĂ©rie de drames dans une petite communautĂ© protestante en Allemagne en 1914. En scope et en noir et blanc, Haneke dĂ©montre, avec une prĂ©cision surprenante mĂŞme de la part d'un cinĂ©aste plutĂ´t tatillon en gĂ©nĂ©ral, comment l'alliance du rigorisme moral, de la rĂ©pression et de la lâchetĂ© conduisent au pire. L'idĂ©e sous-jacente est que, dans ce microcosme, se joue la rĂ©pĂ©tition gĂ©nĂ©rale du drame nazi Ă venir en Allemagne. On n'est pas obligĂ© de suivre le cinĂ©aste jusque-lĂ , mais force est de constater que le discours porte haut et fort (au point de couvrir l'autre film en compĂ©tition du jour, le Gianolli, qui paraissait bien Ă©triquĂ©). Dommage cependant que le film ait Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© en bout de festival, quand le cinĂ©phile est dĂ©jĂ un peu lessivĂ©. Mais mĂŞme en accusant quelques tombĂ©es de paupières pendant la projection, on a Ă©tĂ© saisi par la beautĂ© noire de ce Ruban blanc.