Catherine Hargreaves entre deux rives
Théâtre / Formée à l'ENSATT, la comédienne Catherine Hargreaves s'illustre depuis une quinzaine d'années comme metteuse en scène et développe un travail parfois obscur, souvent percutant. Elle présente "Un Chêne" de Tim Crouch cette semaine au TNG. Esquisse de portrait.
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2009-2010. Catherine Hargreaves présente sur les plateaux lyonnais un auteur britannique contemporain, Anthony Neilson, qui dit frontalement (Réalisme à L'Élysée) et oniriquement (Le Monde merveilleux de Dissocia, aux Célestins) la déchéance de l'époque qui pousse soit à la passivité et au renfermement sur soi-même, soit au déséquilibre permanent. Dans les deux cas, il est question de s'extraire de la crasse. Elle aurait pu rester sur ces rails de "montreuse" des écritures d'Outre-Manche, qu'en tant que franco-britannique elle traduit aussi, mais elle s'est aventurée sur des territoires plus abrupts qui parfois lui collent encore aux basques. Dans La Ballade du vieux marin créé en 2012 au Théâtre de la Croix-Rousse, elle rend compte avec le texte de Colridge, d'un voyage au long cours sur un cargo. Vidéos filmées à bord, extraits de textes. Tout est épars. Trop pour que la compréhension ou même les émotions affleurent.
Pourtant, cette recherche assumée de l'accident a pour corollaire un résultat non garanti. Si sur ce grand plateau, le milieu ne lui pardonne pas ses errements, ce sont précisément ces doutes qui parfois produisent des moments précieux dont des années après reste la sensation de vertige. Dans Dead woman laughing (2010) elle est est sur le plateau de L'Élysée, en hauteur, au bout d'un plongeoir. Que va-t-elle faire ? Elle semble ne pas le savoir et c'est cette incertitude transmise, rare, qui reste encore imprimée.
« L'avenir est fait de hasards »
Ă€ ce moment-lĂ , elle invite rien moins que David Foster Wallace et Nick Cave sur scène. Elle interroge le théâtre, ses modes, ses travers, et annonce qu'il n'y aura pas ici de jonglages, comĂ©diens nus ou de beaux dĂ©cors. Ce théâtre constamment en questions, dans lequel la reprĂ©sentation rend toujours compte, presque Ă cœur ouvert, des recherches qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©, est encore ce qu'elle traite cette annĂ©e, avec une fidĂ©litĂ© au comĂ©dien François Herpeux, dans Moi, Malvolio. La laideur, le minimalisme, l'adresse directe au public sont le canevas de cette courte crĂ©ation (une heure) dĂ©concertante qu'elle a initiĂ© cet hiver au Centre dramatique national de Nice, prĂ©figuration d'un travail plus Ă©toffĂ© sur La Nuit des Rois.
En dĂ©pit de travaux plus nĂ©buleux (Dans l'ombre, trop conceptuel ou mĂŞme ce ChĂŞne qui nous rĂ©vèle l'auteur Tim Crouch mais manque d'unitĂ© avec le principe d'un acteur dialoguant avec un autre, chaque soir diffĂ©rent, qui dĂ©couvre le texte en direct), Catherine Hargreaves, adossĂ©e Ă la Compagnie des 7 Sœurs, mène un parcours peu Ă©vident, parfois mal-compris, mais qui, Ă l'Ă©gard des productions ultra-lĂ©chĂ©es des trentenaires, a le mĂ©rite de prendre des "risques". Sans ĂŞtre militant ou pĂ©remptoire, son théâtre est bien plus politique et engagĂ© qu'il n'y paraĂ®t. Rien d'illogique Ă ce que lorsqu'elle fait encore l'actrice, ce soit pour les Grecs poĂ©tico-radicaux du Blitz, dans Institut de la solitude globale.
Un ChĂŞne
Au TNG-Les Ateliers le jeudi 26 avril