Presence, a ghost story

Poltergeist / Grand retour dans les salles françaises de Steven Soderbergh, Presence, vrai-faux film d'horreur, croque avec ironie et intensité le quotidien d'une famille aisée américaine dans un exercice formel ludique et virtuose.

Photo : Presence © The Spectral Spirit Company

Deux films en deux mois (Insider sort le 12 mars), et le premier volume d'un essai potentiellement définitif sur son travail (Les années analogiques), co-écrit avec le brillant prédécesseur des auteurs de ces lignes, Christophe Chabert : Steven Soderbergh est l'un des protagonistes de ce premier trimestre. Trois ans après KIMI, son formidable thriller high-tech confiné, il s'associe de nouveau avec le scénariste David Koepp pour Presence, ses faux débuts dans le cinéma d'épouvante. 

Home Invasion

Quelques mois après Here, les maisons pavillonnaires américaines continuent d'inspirer les grands cinéastes. Dans un exercice construit autour de plans-séquences elliptiques de longueurs aléatoires, Soderbergh propose un geste où la caméra ne s'efface jamais. L'étrange présence évoquée dans le titre, c'est elle. Objet de déformation des perspectives (on pense à certaines images de Yórgos Lánthimos), elle sonde le quotidien d'une famille moins pure que ne le laissent présager les premières séquences. Elle devient même l'avatar du spectateur, ses yeux et ses oreilles au sein d'un foyer que l'on ne quitte jamais, dévoilant la topographie des lieux dans une introduction en forme de visite. Le cinéaste ne cesse de multiplier les effets visuels, lesquels deviennent les premiers vecteurs d'étrangeté sous le vernis d'une chronique en apparence banale. Ce faux dispositif panoptique se confronte à deux angles morts malicieux, les ellipses et surtout le hors-champ (tout ce qui se passe en dehors de la demeure est invisible). La mise en scène voyante se joue constamment des zones de flou du script, maintenant l'attention et l'imaginaire en alerte, tout en stimulant les sens. La propension de Soderbergh à maximiser un matériau minimaliste épate.

La vie de famille

Ne fuyant jamais son statut de pure série B, le film peut s'appuyer sur le scénario de Koepp qui n'hésite pas à piocher dans les codes et les ressorts du genre. Secrets, non-dits, phénomènes paranormaux, intervention d'une médium, autant de passages obligés que le cinéaste traite avec une certaine ironie. Ce n'est pas tant l'identité du spectre qui l'intéresse, ni les retournements de situations, pour certains efficaces, que la manière dont l'invisible met à jour les parts d'ombre des personnages. Si le danger vient symboliquement de l'extérieur, a contrario d'une présence intérieure protectrice, la famille est en réalité déjà viciée. L'american dream n'est qu'une illusion issue du passé revenue hanter les États-Unis contemporains. Les rêves de richesse, de réussite, sans aucun égard pour la dignité humaine, ont déjà fini de corrompre le sacro-saint modèle nucléaire dont Soderbergh observe l'implosion. Critique mais jamais ricanant, il s'impose un premier degré bienvenu, tant pour rendre tangible son projet, que faire accepter son traitement duplice. La modestie apparente de Presence ne doit pas nous induire en erreur. Passé le plaisir immédiat, le thriller lancinant couve une charge corrosive et contagieuse.

Presence
De Steven Soderbergh (U.S.A, 1h25) avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang, Julia Fox...
En salle le 5 février 2025

Presence

sortie nationale : Mercredi 5 février 2025
De Steven Soderbergh Avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina...

Une famille emménage dans une nouvelle maison, où une mystérieuse présence hante les... Lire +