L'Agent secret, le magnifique

Publié Dimanche 7 décembre 2025

Scorpio / Grand film patient, trivial et élégant, ''L'Agent secret'' revisite les heures sombres de l'histoire brésilienne par le prisme du divertissement populaire. Brillant et inspiré, il a valu à Kleber Mendonça Filho le prix de la mise en scène et à Wagner Moura, celui de l'interprétation masculine à Cannes. 

Photo : L'Agent Secret © 2025 CinemaScópio - MK Production - One Two Films - Lemming

Après une co-réalisation réjouissante (Bacurau) et un documentaire émouvant (Portraits fantômes), Kleber Mendonça Filho renoue avec la chronique romanesque de ses débuts. Dans la lignée des formidables Les Bruits de Récife et Aquarius, il convoque un dessein de cinéma pluriel et intimiste, où les genres et intentions se croisent dans un geste ample. Il nous replonge dans le Brésil de 1977, aux côtés de Marcelo (Wagner Moura, magnifique et habité), un homme d'une quarantaine d'années arrivant dans la ville de Recife. Il vient retrouver son jeune fils et espère y construire une nouvelle vie, alors que son passé opaque le rattrape peu à peu...

Spy game

Le cinéaste brésilien aime déjouer les attentes. Malgré son titre, L'Agent secret n'a rien d'un thriller d'espionnage classique : c'est un labyrinthe narratif en trois blocs elliptiques entrelacés sur deux temporalités. À rebours de cette sophistication scénaristique, Kleber Mendonça Filho oppose une mise en scène résolument pulp à la fois élégante et triviale, mélangeant vulgarité assumée, suspense et exagération stylistique. Entre références explicites et pastiches, le réalisateur invoque le grand divertissement américain (Les Dents de la mer est cité) et l'esthétique du cinéma commercial brésilien (Dona Flor et ses deux maris, notamment). Dès le prologue, il instaure un décor incertain et un climat dilettant : un parfum de mort et de grotesque rôde, l'inquiétude et l'humour noir se tutoient. Il revisite le passé à la lueur d'un présent contrarié, établissant un dialogue entre le Brésil d'hier et d'aujourd'hui, celui de la dictature militaire et le spectre de l'ère Bolsonaro. 

Cinéma paradiso

Kleber Mendonça Filho ose une approche ludique et décomplexée, foncièrement Tarantinesque. Il n'a pas peur de manier une imagerie gore au sein du réalisme. En attestent, une séquence de cauchemar halluciné tout droit sorti d'un slasher série Z ou un bain de sang en pleine rue, rappelant au thriller criminel d'Hector Babenco, Lucio Flavio, l'Ennemi public no 1. Ces éclats contrastent avec une tragédie latente et une mélancolie constante au service d'un portrait à trous dont l'épaisseur se dévoile à mesure que les mystères se dissipent. Le cinéaste ne se contente pas de revisiter des mythologies culturelles, il les infuse dans un récit où les fantômes politiques persistent à hanter les corps et les décors. Récit de transmission et de filiation, L'Agent Secret évoque des temps troublés. Il dépeint l'horreur de la dictature à travers sa quotidienneté, le mal est indicible et presque invisible. Au cœur du chaos, la salle de cinéma tient un rôle central. Elle se fait refuge, échappatoire et mémoire. Un lieu où l'art, célébré par Kleber Mendonça Filho à l'écran et derrière la caméra, continue de témoigner du réel. 

L'Agent secret
De Kleber Mendonça Filho (Brésil, France, Pays-Bas, Allemagne, 2h40) avec Wagner Moura, Gabriel Leone, Maria Fernanda Cândido...
En salle le 17 décembre 2025

L'Agent secret

sortie nationale : Mercredi 17 décembre 2025
De Kleber Mendonça Filho Avec Wagner Moura, Gabriel Leone, Maria...

Brésil, 1977. Marcelo, un homme d’une quarantaine d’années fuyant un passé trouble, arrive dans la ville de Recife où le carnaval bat son plein. Il vient retrouver son jeune fils et espère y construire une nouvelle vie. C’est sans compter... Lire +