"La Terre" : fiel et terres
Théâtre / La metteuse en scène Anne Barbot a amené au théâtre le roman "La Terre" d'Émile Zola, saga familiale au plus près du monde paysan. Une ample réussite à découvrir au Théâtre de la Croix-Rousse.
Photo : Simon Gosselin
2h20 pour rentrer dans l'intimité d'une famille de paysans de la seconde moitié du XIXe siècle et permettre au public de découvrir patiemment chaque visage à la façon des longs et grands romans naturalistes. Voilà ce qu'a entrepris la metteuse en scène Anne Barbot avec son spectacle La Terre, adaptation du roman de 1887 d'Émile Zola.
À l'image du Roi Lear de Shakespeare, l'intrigue de ce quinzième volume de la série littéraire des Rougon-Macquart prend pour point d'ancrage l'histoire d'un père soucieux de diviser ses parcelles entre ses trois enfants afin de ménager son corps abîmé. Rien ne sera évidemment simple, tant pour les héritiers que pour le patriarche, ce qui donnera matière à jalousies, rancœurs et autres violences, aux côtés de l'amour et des rires qui parsèment le laborieux quotidien de cette petite troupe.
Hier et aujourd'hui
Au sein d'une scénographie sobre jouant par touches la carte de la figuration, huit comédiennes et comédiens animent cette saga familiale avec conviction, dessinant chacun leur personnage à coups de traits saillants - le bourru, le rebelle et le cérébral... Des personnages que la metteuse en scène embrasse entièrement malgré leurs défauts, leurs actes condamnables (certains terribles), dans la droite lignée de Zola.
Anne Barbot évite ainsi l'écueil du spectacle univoque, jonglant habilement entre des moments légers et d'autres plus durs, cette dureté allant crescendo au fil de la représentation (sans toutefois égaler celle du roman). Son adaptation parle alors autant du monde paysan d'il y a 150 ans que d'enjeux intemporels - faiblesse des revenus, libéralisme destructeur, abandon du politique... Et fait de ces travailleurs de la terre des sortes de héros invisibles en voie de disparition.
La Terre
Du 10 au 13 décembre 2025 au Théâtre de la Croix-Rousse (Lyon 4e) ; de 6 à 29€
