Lyon inaugure sa Chambre d'arbitrage et de médiation pour désengorger les litiges commerciaux
Justice / Ce lundi 1ᵉʳ décembre, la Chambre d'arbitrage et de médiation de Lyon est officiellement lancée. Portée par le Barreau et la Chambre de commerce et de l'industrie (CCI) Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne, elle promet de régler les litiges entre entreprises en quelques mois, contre plusieurs années devant les tribunaux.Â
Photo : Philippe Valentin, président de la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne et Me Alban Pousset-Bougère bâtonnier au Barreau de Lyon lors de la conférence de presse de présentation de la Chambre d'arbitrage et de médiation de Lyon © CD/LePetitBulletin
C'est un serpent de mer qui finit par sortir la tête de l'eau. Face à l'engorgement chronique des juridictions, la place lyonnaise s'organise pour offrir une alternative adaptée au rythme économique. Le constat, établi conjointement par le Barreau de Lyon et la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne, est sans appel : le temps judiciaire ne suit plus celui des entreprises comme le résume Maître Alban Pousset-Bougère, bâtonnier au Barreau de Lyon : « On a une société qui va plus vite et une justice de plus en plus lente ». Selon lui, ce ralentissement s'explique notamment par des moyens insuffisants : la France souffre depuis trente ans de « budgets indigents » pour son appareil judiciaire, l'un des plus restreints de l'OCDE. L'objectif est donc de désengorger les prétoires, en proposant une alternative locale.Â
Arbitrage, médiation et indépendance
Pour Philippe Valentin, président de la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne et entrepreneur, il s'agit d'une nécessité vitale pour le tissu économique : « Les maître-mots sont la rapidité, l'efficience, le timing et la limitation des coûts. » Cette Chambre s'adresse à toutes les entreprises, de la TPE aux grands groupes multinationaux, confrontées à des litiges classiques (impayés, contrats non exécutés, conflits d'associés), promettant une résolution en quelques mois, bien loin des deux à six ans nécessaires en cas de procédure d'appel.
Le dispositif s'articule autour de deux mécanismes. D'un côté, l'arbitrage est une forme de justice privée : les parties s'accordent en amont pour confier à un arbitre spécialisé le pouvoir de trancher le litige par une sentence contraignante, exécutoire et qui porte l'autorité de la chose jugée. De l'autre, la médiation elle, est une démarche collaborative : un médiateur neutre - souvent un professionnel formé à la gestion des conflits - aide les entreprises à restaurer le dialogue pour qu'elles trouvent elles-mêmes un accord amiable.
L'autre point important abordé lors de la conférence est celui de la garantie d'indépendance absolue de la Chambre, un sujet sensible dans le contexte actuel. Le Bâtonnier Maître Alban Pousset-Bougère l'a rappelé, précisant qu' « au vu de l'actualité, il est important de dire que c'est une justice indépendante du pouvoir ». Pour assurer cette neutralité, la Chambre est gérée par des « commissions détachées de toute influence institutionnelle » et s'appuie sur un collège d'arbitres et de médiateurs sélectionnés pour leur expertise.Â
Un dispositif ancré dans l'économie régionale
Le dispositif s'appuie sur un réseau d'acteurs économiques et juridiques représentatif de la région, gage de son ancrage local. Autour des entités fondatrices (le Barreau de Lyon et la CCI), figurent l'Association française des juristes en entreprise (AFJE), le Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables, les barreaux de Saint-Étienne et Roanne ainsi que la Banque de France. Présente lors de la conférence, Kathie Werquin-Wattebled, directrice régionale de la Banque de France en Auvergne-Rhône-Alpes, a expliqué la légitimité de cette implication, rappelant que l'institution est en contact constant avec des entreprises et soulignant que son rôle s'inscrit dans la continuité d'une culture de l'amiable déjà existante, notamment via la médiation du crédit développée depuis 2008 et la crise des subprimes.
Pour autant, le Conseil d'administration constitué pour le lancement reste volontairement restreint, par choix tactique. Interrogés sur l'absence du tribunal des activités économiques et d'autres syndicats patronaux, les promoteurs ont indiqué qu'ils privilégient une mise en route rapide et sécurisée.
Une avancée attendue depuis longtemps sur la place lyonnaiseÂ
Si l'initiative est louable, la question qui peut se poser est : pourquoi maintenant ? Les modes alternatifs de règlement des différends ne sont pas une nouveauté. Paris, Londres ou Genève disposent de ces outils depuis des décennies. Lyon, deuxième pôle économique et deuxième Barreau de France, semble ici combler un retard. Le tissu économique local a-t-il souffert de cette absence jusqu'à présent ? Sans doute.
L'enjeu principal réside désormais dans l'adoption par les entreprises qui devront intégrer les clauses d'arbitrage et de médiation dans leurs contrats. Mais pour les différends existants, l'accessibilité a été conçue pour être la plus directe possible. La Chambre, consciente de l'urgence, a établi une procédure de saisine dématérialisée en cinq étapes : du simple contact via le formulaire en ligne, à l'analyse des documents, jusqu'à l'orientation rapide vers la médiation ou l'arbitrage. Une fois le professionnel compétent désigné, la procédure se déroule dans un cadre maîtrisé et confidentiel. L'efficacité du dispositif dépendra de la capacité des entreprises et des professionnels à se saisir de cette nouvelle voie de la célérité.

