Gaël Perdriau condamné : « Monsieur vous ne pouvez plus être le maire de Saint-Étienne »
Justice / Le verdict est tombé ce lundi 1ᵉʳ décembre au Palais de Justice de Lyon. Gaël Perdriau, maire de Saint-Étienne, niant toujours l'ensemble des faits qui lui sont reprochés, est condamné à cinq ans de prison, dont un avec sursis, avec mandat de dépôt différé. Il perd immédiatement sa fonction et l'appel qu'il a annoncé n'est pas « suspensif ». Gaël Perdriau a indiqué faire appel de la condamnation.
Photo : Le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau est reconnu totalement coupable des infractions qui lui sont reprochées. ©XA / IF Saint-Etienne
« Monsieur vous ne pouvez plus être le maire de Saint-Étienne » : la conclusion est de Brigitte Vernay, présidente de l'audience. Et la décision sur ce point là , est immédiate, la sentence irrévocable. Du moins en attendant l'issue éventuellement contraire d'un jugement en appel d'ici de nombreux mois, voire plus. 20 minutes auront suffi pour l'entendre, Gaël Pedriau restant seul, immobile pendant quelques dizaines de secondes à fixer les sièges vidés par les juges, juste après la levée de l'audience. Lui qui se déclarait « serein » face à la presse à son arrivée au tribunal.
Nous y sommes. Deux mois se sont écoulés depuis la fin du procès de chantage à la mairie de Saint-Etienne, des années que la vie publique stéphanoise est brutalisée par cette affaire. Ce lundi 1ᵉʳ décembre, les huit prévenus et leurs conseils étaient de retour au Palais de Justice de Lyon, près de trois ans et demi après l'article de Médiapart révélant l'affaire. Durant les sept jours de procès fin septembre, le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, avait nié toute forme de chantage, tandis que trois co-prévenus, Samy Kéfi Jérôme, Gilles Rossary-Lenglet et Pierre Gauttieri, ont reconnu les faits et assurent que le maire était à l'origine du piège visant Gilles Artigues.
Cinq ans d'emprisonnement requis
Au sixième jour du procès, le ministère public, représenté par Audrey Quey, avait pris la parole. Dans son propos, en préambule de ses réquisitions, elle estimait que le maire avait bien été « le décideur » et qu'il était coupable des cinq chefs d'inculpation. Au bénéfice du doute, elle requérait la relaxe pour les deux couples à la tête des deux associations.
À l'issue des réquisitions portant sur Pierre Gauttieri, Samy Kéfi Jérôme et Gilles Rossary-Lenglet, elle avait terminé avec Gaël Perdriau : « Soit vous le déclarez innocent et le relaxerez ; soit les preuves de sa culpabilité sont clairement établies comme je le pense moi. C'est le maire, le décideur. Vous devrez donc prononcer une peine plus forte que les autres prévenus. Comment ne pas prendre en compte son absence totale d'évolution de discours, de considération des parties civiles. Il est aussi le seul à nier l'évidence, le seul à ne pas quitter ses mandats politiques, le seul qui puisse récidiver. Je requiers cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis simple et 50 000 euros d'amende. Trois ans fermes non aménageables donc. La peine d'inéligibilité de cinq ans est obligatoire. L'enjeu est l'exécution provisoire, consciente du trouble sur le processus démocratique. Nous savons que des décisions de Justice peuvent ne pas être comprises par nos concitoyens et il y a une jurisprudence récente à prendre en compte (allusion au jugement de Marine Le Pen, Ndlr). Or, les faits sont ici d'une abjection et vilenie autrement plus graves... ».
« Je bluffais »
Depuis, Gaël Perdriau continue plus que jamais de se dire innocent, concédant simplement avoir mal réagi à plusieurs reprises. Début 2016 d'abord lorsqu'il dit apprendre l'existence de la vidéo par Pierre Gauttieri, puis, la même année, quand Samy Kéfi Jérôme lui en fait part, et qu'en fin d'année c'est Gilles Artigues cette fois, qui vient solliciter son aide à ce sujet, sans qu'un article 40 ne soit déclenché à trois reprises.

Une réaction également inadaptée lorsqu'il est interrogé par la presse au lendemain de la parution de l'article de Médiapart et qu'il dit ne pas savoir s'il s'agit d'un gang bang ou d'une partouze. Quant aux propos faisant allusion à la vidéo directement à Gilles Artigues et le menaçant directement de la diffuser dans de petits cercles ? « Je bluffais », répondra le maire lors du procès. « Il m'accuse d'être à l'origine de cette vidéo. Pour moi, quand il vient me voir en 2016, il a inventé une vérité pour cacher son homosexualité qu'il n'assume pas, disant qu'il a été drogué, alcoolisé. À ces menaces de remettre un dossier au procureur de la République, et il bluffe à ce moment, je lui réponds exactement sur le même registre ». Ce lundi, l'heure est venue de connaître le verdict, avec comme enjeu principal pour Gaël Perdriau, la possibilité ou non de pouvoir briguer un troisième mandat.
Cinq ans de prison
Ce lundi matin, Brigitte Vernay, la présidente de l'audience, a déclaré : « Monsieur Gaël Perdriau, le tribunal a bien entendu tout ce que vous avez opposé pour dire qu'il s'agissait d'une accusation de la part des autres prévenus, de la part des juges d'instruction. Reprenant point par point les déclarations et d'autres éléments de circonstance, le tribunal juge que vous êtes entièrement coupable de la totalité des infractions qui vous sont reprochées ». En conséquence, le tribunal a condamné le maire de Saint-Étienne à une peine de cinq ans de prison dont un an avec sursis avec mandat de dépôt différé, interdiction de posséder ou porter une arme pendant cinq ans, une amende de 50 000 euros, ainsi qu'une inéligibilité avec exécution provisoire.
Ce qui signifie donc, qu'il n'est plus le maire de Saint-Étienne dans l'immédiat. Et que l'appel qu'il s'apprête à faire, comme il l'a annoncé à sa sortie de l'audience, ne suspendra pas son inéligibilité. La décision va au-delà des réquisitions. À noter que le maire de Saint-Étienne et les autres prévenus condamnés cumulent de nombreuses amendes "communes" à verser aux nombreuses parties civiles. Rien que pour Gaël Perdriau, cela atteint les 50 000 euros déjà évoqués compris, environ 175 000 euros à verser. Un conseil municipal stéphanois extraordinaire va devoir être organisé d'ici quelques semaines pour élire - en interne, à l'assemblée donc - un nouveau maire pour Saint-Étienne. C'est-à -dire quelques mois, le temps qu'aient lieu les élections municipales en mars. Exercice similaire à réaliser du côté de la Métropole dont il est encore président, bien que plus ou moins en retrait.
À la sortie de l'audience, Gaël Perdriau a, une énième fois, clamé son innocence, qualifiant le verdit « d'incompréhensible » et donc demandé à ses avocats de faire « immédiatement appel face à ce qui est une injustice ». Gilles Artigues a fait part de son côté de son soulagement : « Justice est passée. La vérité des faits a été établie. Ce que j'ai vécu depuis 10 ans... Je vais pouvoir tourner la page, moi ma famille et la Ville de Saint-Étienne, bien salie par cette affaire. » Son avocat Me Buffard, a souligné la « sévérité exemplaire des peines. Le tribunal a compris l'extraordinaire gravité des faits. C'est une satisfaction pour la démocratie, le rapport à la responsabilité des élus. »

