Télévision ou la vie des autres

Publié Lundi 30 janvier 2012

Télé-réalité, comme un ch'tis problème

La télévision. Un média qui n'en finit pas d'évoluer. En termes d'information bien entendu, d'espace culturel, de jeu et de divertissement. Et sur ce dernier point, on trouve parfois des «pépites»...     



Et une de plus, une. Et oui une nouvelle saison de télé-réalité démarre sur W9. Vous les aviez peut-être découverts à Ibiza, vous les retrouverez au ski. Qui ça ? Les Ch'tis évidemment (encore eux). Mais pardonnons-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font... enfin espérons.

Une nouvelle saison donc, et une nouvelle désolation pour la télé française (et sûrement pour la Belgique et la Suisse aussi). Dans la série divertissement, car on ne parle pas de culture ici, fort heureusement d'ailleurs, on a vu mieux. Patrick Sébastien à côté, c'est de l'or en barre. Nous avons là une espèce de mixe entre Bienvenue chez les Ch'tis, de Dany Boon (plus gros carton au box-office français, au grand dam du cinéma), et les Bronzés font du ski, de Patrice Leconte (une autre comédie, aujourd'hui culte).

Voilà donc le triste constat. La télé ne s'inspire plus de la réalité elle-même mais du cinéma et de films au comique plutôt potache. Il semble qu'il n'y ait plus de place pour l'improvisation et la spontanéité dans la création d'une télé-réalité. Tout est prévu, scénarisé, du choix des candidats (de purs stéréotypes de la société), à la moindre petite phrase.

Alors comment faire passer cela pour du réel ? Où sont passé tous les codes de la télé-réalité (si toutefois il y en a déjà eu) ? Sociologiquement, les premières émissions de ce type ressemblaient plutôt à des expériences. Comment une dizaine de personnes peuvent vivre à huis clos en étant filmées 24h/24h ? Aujourd'hui, cela ne ressemble plus qu'à un divertissement bas de gamme.

Mais, le pire dans cette histoire, c'est de faire de la fracture sociale un show télévisé, et régional de surcroît (les Ch'tis rappelons-le). Mettre en scène des personnes, «des personnages», dans un milieu qui n‘est a priori pas le leur.

 
 


Merci la télé !

Le téléspectateur, affalé sur son canapé (le programme ne demandant pas trop d'effort intellectuel) se sentira alors rassuré, peut-être même intelligent et pensera finalement qu'il a une belle vie. Pour éviter de regarder sa propre existence, il va regarder la pauvreté de celle des autres. Une émission exutoire. Un nouveau service public en somme.

Alors remercions la chaîne W9, la productrice, Alexia Laroche-Joubert et bien sûr, remercions avant tout les candidats, pour tout le bonheur qu'ils nous offrent. Sans eux, bien tristes seraient nos après-midi.    

Vous l'aurez compris, cette émission est affligeante, malsaine et consternante de mépris. Alors chers lecteurs, vous êtes priés de gardez votre sens critique, et si jamais vous êtes amenés à regarder ce programme (au second degré cela va de soi) faites-le avec toute la modération qui s'impose (et il en faut). Et si vous riez, ne croyez pas que vous êtes un monstre ; un peu de cynisme n'a jamais tué personne. Dites vous simplement que c'est ce que l'on vous propose pour améliorer votre bien-être intérieur.  


Simon D.

 

Vincent Cespedes, philosophe et auteur de  I Loft you - premier ouvrage sur la téléréalité paru en 2001 - donne ici son avis sur le plateau de Ce soir ou jamais !