The Parlor Mob fait sa mue

Deuxième livraison pour les rockeurs du New Jersey, qui étendent leurs horizons au-delà de l'étiquette zepellinienne trop vite collée sur leur son.
 Adoubé aux US, The Parlor Mob fait partie de ces groupes qui passent étrangement à la trappe en France malgré une panoplie sonore vouée au succès et des shows explosifs. Réunis en 2004 sous le nom What About Franck ?, les cinq gars de Red Bank ont connu un parcours chaotique avant d'être récupérés par Roadrunner et de pouvoir proposer leur rock flamboyant à nos oreilles ravies. En 2008 sort leur premier album, And You Were a Crow, galette riche mais inégale, qui se noie malheureusement trop vite dans la vague revival hard rock qui déferle sur l'industrie musicale (Wolfmother, The Answer, Jaded Sun, Black Stone Cherry...). Quatre ans et une interminable tournée plus tard, le groupe a mûri, changé de bassiste et épaissi sa palette sonore.
Dogs, c'est l'album de l'émancipation. Pour beaucoup de groupes, c'est bien connu, le périlleux exercice de la deuxième livraison relève plus du casse-gueule que la confirmation. The Parlor Mob a choisi pour sa part de tracer des limites bien claires avec l'influence Led Zeppelin dont on l'a paré dès les premiers instants, la faute moitié à une réappropriation intelligente des points forts des Londoniens, moitié à la voix de Mark Melicia, puissante, haut perchée, capable de porter à elle seule un morceau comme savait le faire un Robert Plant. Si l'ombre du dirigeable plane - heureusement - toujours sur Dogs, que ce soit dans l'énergie (le single Into The Sun, direct et catchy) ou dans la mélancolie (Hard Enough, qui lorgne du côté de That's The Way du Zep), la bande des cinq est allé piocher ailleurs pour construire un album plus dense, plus fourni. Au détour des pistes, on croise les White Stripes (la très garage American Dream, qui pousse le mimétisme jusqu'au solo bourré de fuzz), Kansas (le combo Slip Through My Hands/Holding On, qui ressusciterait presque Dust In The Wind) et même Muse (l'épique Cross Our Hearts, et son ambiance filmique qui rappelle le Knights Of Cynodia des Anglais). Ainsi, le duo de guitaristes Paul Ritchie/David Rosen parvient à créer des ambiances tour à tour urgentes et posées, envoûtantes et puissantes, tissant un rock racé. Pour s'en convaincre, le plus simple est encore de jeter une oreille sur l'exceptionnelle I Want To See You, point d'orgue de Dogs. Une piste magistrale, limite bluesy, toute en montée d'intensité et en sensibilité, sur laquelle la voix de Mark Melicia prend une dimension supérieure pour porter l'émotion. Une grosse claque, qui deviendrait presque - espérons-le - une habitude pour le combo, qui nous avait déjà gratifié de l'incroyable Tide Of Tears sur son précédent opus.
La galette s'achève sur The Beginning, là aussi une track majeure, puisqu'elle s'inscrit dans cette veine aujourd'hui trop oubliée des vraies chansons de clôture. Celles qui vous font bien comprendre que l'album est fini, en vous laissant K.O. debout, sans espoir de plus. Là encore, le morceau se tisse petit à petit, laissant monter l'intensité jusqu'à l'explosion finale et ces derniers mots significatifs : "This is the start of something/This is the end of who we were/The beginning of what we will be/This is the call to something/This is a chance at something pure/The only chance that we can see."
Bref, la deuxième livraison des Américains est une réussite totale, qui parvient à fondre les références pour bâtir un son unique, une signature reconnaissable, en se débarrassant de l'encombrant fardeau zeppelinien qu'on leur avait trop vite mis sur les épaules. A la place, ils se l'approprient et le forgent à leur image, puissante et racée, de celle que l'on a du mal à se sortir de la tête. Et pourquoi le voudrait-on ?
Nicolas Gil