De rouille et d'os

Publié Dimanche 20 mai 2012

Des films y en a plein. Et faut bien dire qu'on en voit pas mal... et ce, par tous les moyens. Et des films intéressants, y en a aussi. Maintenant, lorsqu'on apprend que Jacques Audiard himself en sort un nouveau, on y va, mais, avec la même appréhension qu'une mère, qui irait aux résultats du bac de son fils préféré, avec cette même appréhension qui nous vrille les tripes, de celle qu'éprouvent ceux qui se sentent touchés au plus haut point. L'affaire est grave. On ne va pas voir un film intéressant. On va voir un film d'un des meilleurs cinéastes actuels... soit Jacques Audiard.

Cette fois encore on est subjugué ! D'abord, de façon partiale, parce qu'Audiard nous met toujours en scène des individus qu'on voit rarement. Très rarement. Ou avec tout un appareil explicatif qui se ressent dans la mise en scène, d'un cinéma dit « social », ou « engagé », et souvent, il faut le dire, pas avec cette esthétique de très grand cinéma, très inventive, qui nous permet d'épouser au plus près les émotions du personnage. En bref, de se sentir concerné. L'image n'est pas dégueulasse, c'est pas vert de gris, on n'est pas là pour pleurer...Et non, ce n'est pas simplement une question de moyens.

Ici, on bouffe des yeux Ali (sidérant Matthias Schoenaerts), qu'on suivrait jusqu'au bout du monde, ce même individu qu'on éviterait hors écran de côtoyer en rentrant chez soi. Parce qu'Ali n'est au fond qu'un gars pauvre, sans culture et incroyablement banal, dans son mutisme et sa violence à fleur de peau. Une sale tendance à tabasser son gosse, rien de très admirable. A participer sans s'en rendre compte vraiment, au licenciement de sa sœur caissière en supermarché. Bref.

Quant à Stéphanie, c'est une belle fille, dresseuse d'orques dans une sorte de complexe nautique à l'américaine, qui reste énigmatique, tant on apprend peu à son sujet. Il lui arrive le pire, un horrible accident, un drame dont on ne peut se relever. Croit-on.

L'un et l'autre sont donc des éclopés - thème récurrent chez le cinéaste - et la force de ce film est de nous révéler, sans didactisme d'aucune sorte, leur dimension profondément héroïque, alors qu'on ne les aurait pas vraiment choisis pour faire rêver les masses.

Dans une tension dramatique proprement époustouflante, qui nous laisse terrassés dans notre siège, on s'abandonne aussi à un grand mélo version SMS et corps consommables, qui, ne nous y trompons pas, est une grande leçon d'humanité.

Du Audiard en somme !