"Jerk" de Gisèle Vienne : mysterious skin

Théâtre / Représenter l’irreprésentable à l’aide de marionnettes : avec "Jerk", la metteuse en scène Gisèle Vienne propose un spectacle bluffant et glaçant construit autour d’une nouvelle de Dennis Cooper. Un choc.

D’abord un comédien (Jonathan Capdevielle). Fascinant, il garde le public en haleine, le tenant par les tripes, les lui retournant avec une innocence naïve propre à ceux qui n’ont pas véritablement conscience de ce qu’ils ont fait. Il interprète ainsi David, adolescent emprisonné suite à une série de meurtres sauvages et sordides dont il était le complice avec un autre camarade de classe. Leur mentor, celui qui ramenait chez lui de jeunes garçons sexy pour les conduire vers une mort inéluctable mêlant barbarie et plaisirs sexuels, utilisait le corps de ses victimes comme la pâte à modeler naturelle de ses fantasmes érotiques et mortifères.

Jonathan Capdevielle est donc le David d’après l’horreur. Le David qui se retrouve devant une classe d’étudiants en psychologie venue l’étudier, et qui choisit la forme théâtrale et les marionnettes enfantines (quoique) pour représenter ce à quoi il a participé – il filmait et archivait le tout. Des marionnettes désincarnées – comme l’étaient les martyrs au moment de mourir – qui permettent de placer une distanciation visuelle entre le propos et la réalité sans pour autant éluder les aspects les plus barbares des meurtres, à l’image de cette longue scène de fist-fucking au réalisme cru – bruitages aidant.

Monologue gore

Figurer pour mieux représenter ce corps déshumanisé : tel est le pari de la marionnettiste et plasticienne grenobloise Gisèle Vienne, artiste reconnue (inter)nationalement mais bizarrement peu vue chez nous (elle présente son Jerk, création 2008, dans une toute petite salle, les programmateurs locaux ne la soutenant pas beaucoup aux dires de sa compagnie). Avec des marionnettes conçues par ses soins et une mise en scène d’une retenue bienvenue, les mots de l’auteur américain subversif Dennis Cooper (qui, pour élaborer son récit, s’est donc basé sur les crimes réellement perpétrés par un tueur en série dans les années 1970, aux États-Unis) n’en deviennent que plus glaçants. Même si le texte referme aussi un humour noir très fort – on rit beaucoup pendant la représentation.

Jerk devient alors un spectacle contemporain d’une grande puissance, qui dépasse la simple mise en évidence de la fascination de l’humain pour la mort et sa représentation, en allant chercher au plus profond de nous cette animalité enfouie que la société nous commande de retenir à juste titre.

JERK
Du jeudi 30 septembre au samedi 2 octobre à 20h30, au Halage (Grenoble) – en face du 4 rue Blanche Monier. Réservations au 01 46 33 37 68.

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