Retour vers le futur

A l’occasion de ses deux représentations à l’Hexagone cette semaine, on s’en est allés interroger le génial jazzman norvégien Bugge Wesseltoft, précurseur du future-jazz, sur l’ensemble de sa prolifique carrière. Propos recueillis par François Cau

Petit Bulletin : Apparemment, votre premier groupe fut un groupe punk ?
Bugge Wesseltoft : Oui, à l’âge de 16 ans. Jusque-là en gros, je ne jouais de la musique que pour moi, dans la maison de mes parents, surtout du jazz. Un soir, des gars du quartier sont venus frapper à la porte, ils m’avaient entendu jouer de l’orgue et m’ont proposé de les rejoindre, j’ai dit oui. Il a fallu transporter mon orgue jusqu’au club où ils jouaient, mais ce fut quand même une bonne première expérience. Vous avez découvert les musiques électroniques très tôt…
C’est quelque chose qui m’a toujours intéressé. Je n’avais pas encore de piano, mais un orgue que je branchais sur un ampli de guitare ; plus tard, pour mes 18 ans, je me suis payé un synthétiseur et un piano électrique Fender Rhodes. Et à l’époque, on pouvait déjà écouter des artistes comme Ryuichi Sakamoto ou Kraftwerk, dont j’aimais beaucoup la musique. J’ai toujours écouté beaucoup de jazz parce que mon père était jazzman, mais ces sonorités ressemblaient à celles que je faisais chez moi sur mon synthé, qui me plaisaient particulièrement. Je crois que ce qui m’a intéressé dès le départ, c’était de créer des paysages sonores. Et pour ça, la musique électronique offrait beaucoup de possibilités. J’ai donc acheté mon premier ordinateur, un Atari, en 1983, et j’ai commencé à travailler les programmations, les systèmes électroniques ; c’est un monde qui me fascine toujours. Qu’est-ce qui vous a fait rejoindre la scène jazz, finalement ?
C’est de là que je viens, déjà, par mon père. Puis je me disais que finalement, certains sons jazz du début des années 70 avaient de nombreux points communs avec la musique électronique… Mais avant toute chose, j’ai choisi le jazz parce que je suis très porté sur l’improvisation, et à l’époque, quand je me suis lancé, il n’y avait pas encore beaucoup de moyens d’improviser réellement avec les musiques électroniques, tout devait être préparé avec précision. Donc je me suis tourné vers le jazz pour pouvoir improviser, élaborer des sons selon ma propre humeur, auxquels je pouvais cependant rajouter des touches électro pour créer des mouvements intéressants. Comment décririez-vous la scène jazz norvégienne à l’époque ?
Comme aujourd’hui, elle évoluait constamment, il y avait toujours de nouvelles générations qui arrivaient pour apporter de nouvelles saveurs. Quand j’ai commencé à jouer au début des années 90, à intégrer mes premières formations, la scène jazz se partageait entre du jazz très standard et des inspirations nordiques. Ma génération est arrivée avec ses inspirations électro, et par la suite, des fusions se sont faites avec la musique contemporaine, et même le black métal ! Je suis très fier de la scène jazz nordique, parce que tous ses musiciens ont à cœur de développer leur propre son, ils ne restent pas bloqués par les influences américaines ou traditionnelles. La création de votre propre label, Jazzland, fut une évolution naturelle ou une nécessité ?
J’ai été sur différents labels, mais arrivé à un certain point, je me suis dit que ce serait mieux de pouvoir faire la musique que je souhaitais, ce mélange entre le caractère organique du jazz et le beat plus statique de l’électro, qui à mon sens me définissait en tant que musicien. Et à l’époque personne ne faisait encore ce genre de musique en Norvège, donc j’ai pensé que ce serait pertinent de monter un label qui faciliterait ce type de musique. Vos albums, dans leur conception, leur enregistrement et même leurs titres qui expriment l’idée de mouvement, sont à chaque fois des instantanés précis de vos recherches du moment. Comment vous sentez-vous en les réécoutant ?
Je dois dire que je n’écoute pas beaucoup ma musique. Quand je fais un album, je fais en fonction de mes idées du moment, avec un groupe, un Dj, ou simplement un piano et un ordinateur portable ; je ne fais pas beaucoup de répétitions, et j’y vais ; à la fin de ce processus, je suis fatigué et j’en ai toujours un peu marre, mais passés deux ou trois ans, je peux à nouveau y prêter une oreille. Je suppose que les artistes ne sont jamais vraiment contents de ce qu’ils font, qu’ils veulent toujours quelque chose de mieux. Mais je suis arrivé à penser que dans chaque album, il y a quand même de bonnes idées qui viennent de mes performances live, qui restent fidèles à ce que je voulais faire. Le jazz est une forme d’art unique grâce à l’improvisation, au fait de pouvoir créer de la musique spontanément. C’est ce que je cherche à faire, et je suis content quand je le ressens dans un disque. Bugge Wesseltoft
Vendredi 18 (set acoustique) et samedi 19 février (set électro) à 20h, à l’Hexagone (Meylan).

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