Le réalisateur de "Cinema Paradiso" s'engouffre dans une production à visée culturelle internationale qui séduit par son storytelling efficace mais déçoit par son absence d'émotion et la sagesse compassée de sa mise en scène.Christophe Chabert
Production de prestige tournée en Anglais par un cinéaste italien "patrimonial" au possible – Giuseppe "Cinema Paradiso" Tornatore –, The Best offer possède un atout indéniable : son sens du storytelling extrêmement fluide et efficace.
Un commissaire-priseur (Geoffrey Rush, symbole de ce cinéma international, culturel et chic depuis le triomphe du Discours d'un roi) aussi célèbre que misanthrope, est l'agent, avec son complice de toujours (papy Donald Sutherland, en balade européenne) d'une grande escroquerie visant à récupérer d'inestimables œuvres d'art pour les contempler seul dans une pièce secrète de sa maison. À la faveur d'une liquidation au sein d'une grande famille, il tombe amoureux d'une femme énigmatique, recluse et invisible, dépressive et phobique, qui va le pousser à sortir de ses habitudes et à se mettre en danger.
Ce récit-là tient en haleine d'un bout à l'autre, notamment grâce à une série de twists brillamment orchestrés qui relancent sans cesse l'intérêt du spectateur. The Best offer s'inscrit ainsi dans une longue liste de films d'arnaque, et surclasse même un des derniers rejetons du genre, le très surestimé American Bluff de David O'Russell.
Museo paradiso
En revanche, Tornatore n'arrive jamais à dépasser le stade de l'illustration précieuse et maniaque dans sa mise en scène, réalisant un beau livre d'images en clair obscur et sfumato tanto italiano. On aimerait qu'à l'instar de son héros esthète brusqué puis sali par la découverte de sentiments qui le rendent à la fois humain et vulnérable à la mesquinerie alentour, le cinéaste quitte sa posture de grand ordonnateur d'une mécanique bien huilée (l'automate est la figure clé du film) pour faire vibrer un peu plus ses cadres et ses mouvements d'appareil. Bref, que la vie entre dans ce petit musée cinématographique – jusque dans la musique d'un Morricone recyclant sans vergogne ses partitions les plus célèbres – pas déplaisant à visiter, mais où l'émotion est régulièrement reléguée au second plan d'une adresse scénaristique et d'un savoir-faire technique en définitive très superficiels.
The Best offer
De Giuseppe Tornatore (It, 2h11) avec Geoffrey Rush, Jim Sturgess, Sylvia Hoeks...