D'un coup, Étienne Daho, qu'on a cru une fois de plus au supplice l'an dernier, a recouvré santé et inspiration à la faveur de ses "Chansons de l'Innocence retrouvée". Depuis, l'invincible et imperturbable Rennais tourne comme un derviche sur toutes les scènes de France au rythme de son "Diskönoir Tour". Stéphane Duchêne
« Bien sûr, je connais tes plaies et tes blessures / Cyanure, tes souvenirs ont la peau dure / Fêlures, à chacun son chemin, chacun ses déchirures mais je les ressens comme toi ». Ces quelques vers sont issus de La Peau Dure, l'un des singles extraits du dernier album d'Étienne Daho, Les Chansons de l'Innocence retrouvée. Une chanson qui aurait pu tout aussi bien donner son titre au disque tout entier, tant elle résume assez bien l'énième retour et la carrière du Rennais.
Car s'il est un constat à faire au sujet d'Étienne Daho, c'est que sa capacité de régénération et – oserait-on dire – de résurrection confine au divin pour un type que l'on a annoncé maintes fois trépassé ou pas loin. Et qui nous revient toujours d'entre les mo(r)ts. Est-ce son côté Dorian Gray de la pop française ? Toujours est-il que Daho n'est jamais aussi vivant que quand on le croît clamsé. En 1995, alors qu'il est en exil artistique à Londres, on l'annonce mort du sida. Il revient en Saint Étienne Daho (du nom de son duo avec le groupe britannique Saint Etienne) pour un EP baptisé Reserection, entre trip-hop et jungle, collector en France mais vrai carton outre-Manche.
Nouveau Printemps
Cette fois, rien de toute cela. L'éternel retour d'Étienne était bien programmé et il n'y eut point de rumeur quant à un Daho hospitalisé et mal en point. C'était vrai. Sortie repoussée. Dates reportées (dont celle de juin dernier à Grenoble). Mais ce ne fut, pour le toujours jeune homme (58 ans quand même), qu'une question de temps et de serrage de mâchoires avant que de pouvoir remonter sur scène pour Un Nouveau Printemps après avoir entrevu « l'autre rive ». Album acclamé – et il faut bien le dire contenant quelques pépites, entre accents à la Ferrat (si, si), Retour vers le Futur électro-pop, collaborations classes (Nile Rodgers, Debbie Harry, Dominique A) –, couves de magazines en pagaille et retour sur terre réussi pour Saint Étienne.
L'icône pop de l'effervescence post-punk a la peau lisse des mythes immuables mais surtout la Peau Dure de ceux qui ont fait la cruelle expérience de trop de Baisers du destin. Auquel il peut enfin lancer, maintenant retrouvées ces Chansons de l'Innocence chères à William Blake et qui l'ont régénéré : « Griffure, je lèche ta triste figure / Morsure, ton sang et ses éclaboussures / Roulure, les salauds qui peu à peu nous ont à l'usure (...)/ Oui, les armes de l'enfance te font le cuir et l'armure et assèchent les rivières que tu pleurais hier. »
Étienne Daho, jeudi 20 novembre à la MC2