Julien Gosselin : « Créer notre propre théâtre »

Les particules élémentaires

MC2

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Théâtre / Julien Gosselin, metteur en scène de l'adaptation flamboyante des "Particules élémentaires" de Michel Houellebecq, revient avec nous sur certaines étapes de création du spectacle. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Pourquoi avoir choisi d’adapter un roman de Michel Houellebecq, et pourquoi ce roman en particulier ?

Julien Gosselin : Les précédents spectacles de la compagnie étaient des mises en scène de textes de théâtre et non des adaptations, mais on avait quand même envie de mélanger plusieurs types d’énonciations théâtrales – appelons ça comme ça ! Des moments de narration, des moments de dialogues plus classiques, des moments techniques – là, avec Houellebecq, c’est sur la sexualité et la science… D’où l’idée d’adapter un roman pour créer notre propre théâtre et ne pas être dépendants de pièces de théâtre.

Quant à Houellebecq, j’adore ses livres depuis que je suis adolescent. Tout naturellement, je suis donc allé chercher de son côté. Et pour le texte, Les Particules élémentaires me semblait être son ouvrage le plus évident et le plus riche vu ce que l’on recherchait théâtralement. Même si je ne dis pas que c’est son meilleur livre – d’ailleurs, je ne sais pas quel est son meilleur livre !

Comment s’est déroulé le travail d’adaptation ? En amont des répétitions ou directement sur le plateau ?

J’ai commencé tout seul à la table, en faisant une version que je voulais déjà intéressante à lire pour les acteurs et pour moi – d’abord chacun chez nous puis tous ensemble à haute voix. Quelque chose qui donnerait des signes sur ce que serait la mise en scène, en fonction bien sûr des possibilités du livre, sans torde l’écriture et en gardant au maximum les mots de l’auteur. D’ailleurs, dans le spectacle, il y a très peu de choses que j’ai réécrites, ou alors seulement en passant du "il" au "je".

Ensuite, je me suis rendu compte que ce matériau était trop long : on a donc regardé au plateau ce qui était nécessaire ou pas, en modifiant parfois complètement des choses. Dans le spectacle final, il y a environ 70% qui sont restés très similaires au premier jet.

Ce travail d’adaptation n’a-t-il pas été difficile au vu de la richesse du récit mêlant plusieurs époques, de nombreux personnages et lieux…

Bizarrement, non, ça n’a pas été si compliqué que ça. Plus c’est compliqué plus c’est évident même ! Chez Houellebecq, il y a énormément de temps et de personnages, ce qui permet déjà de créer une découpe rythmique à l’intérieur du spectacle qui nous a finalement aidés à faire du théâtre, à renouveler l’écoute du spectateur en passant d’une chose à l’autre comme on n’est pas dans un temps linéaire de théâtre.

Le spectacle convoque beaucoup de vidéo et de musique live. Une évidence d’emblée ?

Avec la compagnie, on a toujours plus ou moins fait ça dans nos spectacles. Il ne s’agit pas pour moi d’être dans la démonstration de l’utilisation de certains arts – on ne fait pas du théâtre vidéo ou du théâtre musical comme on pouvait le dire dans les années 90. On utilise ces armes-là simplement, comme on utilise la lumière. Personne aujourd’hui ne s’étonne de voir des projecteurs sur un plateau de théâtre !

En plus, quand on adapte un roman comme celui de Houellebecq, avec comme vous le disiez une superposition de temps, de lieux et de personnages, il faut qu’on ait un maximum de possibilités pour ne pas être dépendants des armes traditionnelles du théâtre – le décor, la lumière…

D’où vient le nom de votre collectif Si vous pouviez lécher mon cœur ?

Du documentaire Shoah de Claude Lanzmann, dans lequel il demande à quelqu’un qui a vécu ces horreurs comment il va des années plus tard. Le mec lui répond « monsieur, si vous pouviez lécher mon cœur vous mourriez empoisonné ». C’est une phrase que notre prof de théâtre à l’École du nord [ils sont plusieurs dans le collectif à être issus de cette école de théâtre lilloise – NDLR] citait régulièrement car il la trouvait certes dure et violente mais assez shakespearienne. C’était une manière de nous dire que le théâtre peut être proche de la vie et l’inverse.

Du coup, quand on a cherché un nom de collectif après l’école, on a pensé qu’avoir une phrase aussi puissante pouvait être beau, surtout qu’elle vient d’une œuvre documentaire et a donc un lien fort avec le réel. En gros, ce n’était pas la compagnie du rideau rouge ou je ne sais quoi ! Et c’était aussi une façon de faire un clin d’œil à notre prof qui nous avait réunis.

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