"Baccalauréat" : les meilleures intentions, avec mention


Un médecin agit en coulisses pour garantir le succès de sa fille à un examen, au risque de renier son éthique. Entre thriller et conte moral, Cristian Mungiu signe une implacable chronique de la classe d’âge ayant rebâti la Roumanie post-Ceaușescu – la sienne. Lucide et captivant.

Que reste-t-il en Roumanie quand on a tout oublié du communisme ? Son administration procédurière, ainsi que ses passe-droits, ses renvois d’ascenseurs, ses faveurs… Une source inépuisable d’inspiration pour les cinéastes du cru : après Corneliu Porumboiu (Policier : Adjectif, Le Trésor) ou et Radu Muntean (L’Étage du dessous), voici que Cristian Mungiu s’en empare.

Pas pour une simple histoire de corruption ou de prévarication (car le héros, Romeo, demeure en dépit de ses travers conjugaux, un honnête homme) mais bien pire : l’autopsie d’un renoncement personnel ; d’un sabordage moral symbole d’un échec collectif. L’échec d’une génération d’idéalistes, jadis désireux de reconstruire sur des bases saines leur pays s’ouvrant au monde, mais qui peu à peu se sont transformés en petits notables désabusés. Alors, quitte à faire le deuil de leurs espérances, ils peuvent bien enterrer simultanément leur intégrité.

Responsable mais pas coupable

Si Romeo vacille en cherchant à transgresser les règles, c’est pour réparer une cascade d’"injustices originelles" : l’agression de sa fille sur le point de passer son examen, l’absence de sécurité ambiante et surtout sa responsabilité personnelle dans les circonstances du drame. Effacer l’incident apparaît comme un miracle à sa portée, pour ce médecin qui ne parvient pas à sauver ses malades, cet époux qui n’a su préserver son couple ; ce père voyant avec stupéfaction sa fille préférant une vie au pays plutôt qu’un avenir à l’étranger auquel il la prépare depuis le berceau…

Mungiu n’accable pas ce personnage, il l’accompagne plutôt pour nous faire partager dans de longs plans-séquences le poids de son quotidien erratique semé de doutes, d’angoisses rentrées et de nomadisme contraint. Et comme dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, Palme d'or à Cannes en 2007, il nous rappelle les vertus de l’empathie. Un sentiment de partage et de compréhension, plus que jamais nécessaire dans un monde où le rejet haineux le dispute au cynisme goguenard.

Baccalauréat
de Cristian Mungiu (Rou.-Fr.-Bel., 2h08) avec Adrian Titieni, Maria Drăguș, Lia Bugnar…

+ Interview de Cristian Mungiu sur www.petit-bulletin.fr

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