Lundi 24 avril 2023 Le secteur culturel grenoblois s’empare, depuis peu mais à bras-le-corps, du sujet épineux de la transition écologique. Mobilité des publics, avion ou pas avion pour les tournées des artistes, viande ou pas viande au catering, bières locales ou pas...
Titiou Lecoq : « Si Macron m'appelle demain, j'ai trois réformes très concrètes à lui proposer »
Par Valentine Autruffe
Publié Lundi 22 mai 2023

Photo : ©Céline Nieszawer / Leextra / L’Iconoclaste
Conférence / L’autrice Titiou Lecoq publie un nouvel essai féministe, sur un sujet très concret : "Le couple et l’argent". C’est aussi l’intitulé de la conférence-débat qu’elle animera à Grenoble le 1er juin, invitée par la Métropole.
Qu’est-ce qui vous a poussée à vous intéresser au sujet de l’argent dans le couple ?
J’ai écrit une biographie de Balzac (Honoré et moi, L’Iconoclaste, 2019), qui parle de Balzac et l'argent ; ça m'a forcée à m'interroger sur mon propre rapport à l’argent, et j'ai commencé à poser des questions autour de moi, pour savoir comment, parmi mes amis, s’organisait l’argent dans le couple. J’ai découvert, premièrement, qu’on n’en parlait jamais ; deuxièmement, qu’il y avait une somme énorme de possibilités d'organisation. J’ai fait d’abord un podcast, puis j’ai repris tout le sujet pour le livre. Plus je lisais dessus, plus je découvrais des choses. Ça fait plus de dix ans que j’écris sur le féminisme, et j’ai réalisé que je n’étais jamais venue à cette question de la thune, qui est pourtant centrale. Et qui est très liée à ce que j'avais traité dans un livre sur les tâches ménagères et la gestion de la maison. J’en avais parlé sans évoquer ce qu’il y a derrière : on parle de la charge mentale, mais elle va avec un rapport économique.
Vous évoquez une étude qui indique que dès l’enfance et l’adolescence, les filles reçoivent moins d’argent de poche que les garçons. Comment cela s’explique-t-il ?
Tout à fait, c'est une étude qui est très récente – elle date de 2021, donc ce n’est pas la France des années 50 ou 60. On se rend compte qu’on ne donne pas la même somme à ses enfants selon les régions, mais en revanche, sur toute la France, on donne moins aux filles qu’aux garçons. Il y a plusieurs explications mais dans l’étude, ce qui apparaît, c’est que les garçons demandent plus souvent des augmentations. Ils se sentent légitimes à demander plus, contrairement aux filles. On sait que c’est comme ça dans le monde du travail, mais en réalité ça commence très tôt. Ça veut dire qu’il y a un rapport genré à l'argent. D’ailleurs dans le milieu professionnel, ce qui est aussi intéressant, c’est que les femmes touchent moins, mais elles se déclarent plus satisfaites de leur niveau de rémunération que les hommes.
Vous dites aussi qu’on a tendance à gâter les filles avec des cadeaux, alors qu’on donnera plus facilement un chèque à un garçon pour son anniversaire, par exemple…
Alors ça, ce sont les parents, et la famille un peu élargie. Ça construit déjà quelque chose de différent : en donnant un billet au garçon, il peut choisir de le dépenser dans ce qu’il veut, de l'économiser. Ce sont des stéréotypes construits historiquement. Dans le couple, notamment au XIXe siècle, il y a beaucoup eu cette idée du Monsieur Gagne-Tout : c’est l’homme qui devait ramener de l’argent et la femme était plutôt là pour le dépenser. Ça aussi, c’est intéressant ; par exemple dans les magazines féminins, pendant longtemps, quand il était question d’argent, les sujets étaient faits pour leur apprendre à bien dépenser. On les voit comme des consommatrices. Alors que le discours économique auprès des hommes, c’est comment gagner de l’argent. Et cette répartition se retrouve à l’échelle de la société, de la famille, etc.
Il y a aussi ce qu’on appelle la taxe rose…
Oui, c’est le fait qu’un même produit packagé pour une femme sera plus cher qu’un produit packagé pour les hommes. Typiquement, le réveille-matin rose sera plus cher que le même réveille-matin bleu. Ça se cumule avec le fait qu’être une femme, si on remplit tout ce qu’on nous demande – c’est-à-dire être éternellement jeune, mince, pas avoir de poils etc. –, ça coûte très cher, alors même que les femmes sont déjà moins payées.
Dans Le couple et l’argent, vous décrivez la "théorie du pot de yaourt", pouvez-vous nous expliquer ce dont il s’agit ?
Le problème – c’est mon grand dada – c’est que les gens n’y connaissent rien : on n’a pas d’éducation financière. On apprend vaguement des trucs quand les familles nous apprennent quelque chose. Par conséquent, les gens mettent en place un système économique au niveau de leur couple, de leur famille, sans savoir comment ça fonctionne, donc ils prennent des mauvaises décisions sans même s’en rendre compte.
C’est pour ça que j’ai beaucoup parlé de la théorie du pot de yaourt : c’est de l’économie toute simple. En gros, quand on fait un budget, il faut se rendre compte qu’il y a deux types de dépenses différents. Il y a les dépenses qui ne valent rien, ce sont les pots de yaourt : courses, vêtements, etc. Et puis il y a les grosses dépenses qui vont faire du patrimoine : acheter un appartement, une voiture, une œuvre d'art, etc. Et ça ne se vaut pas. Souvent, dans les couples, on se dit que le gros salaire prend en charge les grosses dépenses, et que le petit salaire s’occupe des petites dépenses. Mais les grosses dépenses, ce sont celles qui créent du patrimoine, donc de la richesse. Or, au moment de la séparation, la personne qui a fait les petites dépenses repartira avec les pots de yaourt vides. Donc c’est contre-intuitif, mais si vous êtes le petit salaire, vous avez intérêt à rembourser le maximum possible du crédit de l’appartement, tandis que le gros salaire prendra en charge les courses. C’est de l’éducation financière de base.
Il y a chez de nombreux couples une sorte de tabou à aborder le sujet de l’argent. Comment en parler sereinement avec son conjoint ou sa conjointe ?
Pour l’aborder, mon plan d’action, c’est d’abord de prendre conscience que ce sujet n’est pas du tout neutre. Tout le monde a un rapport psychologique à l’argent, généralement lié à une histoire familiale. Donc avant de dire « notre répartition des dépenses, ça ne va pas du tout », je pense qu'il vaut mieux faire un peu de thérapie de couple. Essayer de comprendre les réactions de l'autre avec l'argent. Une fois qu’on a balayé le terrain psychologique et qu’on se comprend mieux l'un l'autre, on peut regarder comment s’organise notre gestion de l’argent et trouver quelque chose qui nous correspond. À partir de là on peut renégocier. Mais je pense qu’il ne faut pas du tout passer à côté de l’aspect psychologique. Après, je ne joue pas du tout la mère la morale, je ne dis pas qu’il faut faire comme ci ou comme ça, ça dépend de ce que vous voulez. Mais au moins, en faire un sujet, et décider en connaissance de cause.
Les femmes sont moins riches que les hommes, et on se rend compte que tout est imbriqué : elles ont de plus petits salaires et occupent les métiers les plus précaires, donc c’est elles qui freinent leurs carrières quand elles deviennent mères, et ont ensuite de plus petites retraites… Comment peut-on arriver à plus d’égalité ?
C’est là où le sujet est génial, parce qu’il articule plusieurs niveaux. Ce que j’avais en tête en écrivant le livre, c’est que si Macron m’appelle demain, je voulais avoir trois réformes très concrètes à lui proposer pour améliorer les choses. D’abord, la transparence obligatoire sur les salaires dans les entreprises – parce qu’on ne peut pas demander une augmentation si on ne sait pas combien sont payés les autres. Ensuite la déconjugalisation des impôts, des prestations sociales, etc. Et en troisième, je mettrais de l’éducation financière à l’école. Il y a une connaissance économique que les classes riches se transmettent ; cela fonde aussi une injustice. Moi, quand j’ai fini mes études – et elles étaient longues –, on ne m’avait jamais appris à lire ma fiche de salaire. Ce n’est pas normal.
Ce sont déjà trois réformes pas très compliquées à mettre en œuvre. En fait, on n’a pas besoin de faire la révolution, on peut déjà changer les choses concrètement.
Sur les professions féminisées et souvent précaires, notamment les métiers du soin, vous invitez les pouvoirs publics à ne plus communiquer que dans un sens…
On fait l’égalité en alignant les femmes sur les hommes. On dit par exemple qu’ingénieur, c’est super comme métier, c’est bien payé, donc on encourage les femmes à devenir ingénieures. Mais à un moment, il va bien falloir que les hommes aillent aussi vers les métiers du soin. On ne dit jamais « devenez puériculteurs ». On a l’impression que socialement, c’est déchoir pour un garçon, donc c’est compliqué de l’orienter vers ces filières-là. Je trouve qu’aujourd’hui, l’égalité, ça doit porter aussi sur le fait d’aligner les hommes sur les femmes : moins de conduites à risques, être davantage dans le soin et l’attention aux autres… Des choses qu’on associe plutôt au féminin. Allons cultiver ça chez les garçons !
On parle du modèle classique d’un couple hétéro, mais est-ce que ces disparités financières se constatent aussi au sein d’autres modèles de couples, notamment homosexuels ?
On l’observe aussi, parce que les disparités sont très liées à l’arrivée des enfants. Même chez les couples hétéros, aujourd’hui, chez les jeunes, il y a une certaine égalité. Mais l’arrivée des enfants bouleverse tout, dans tous les types de couples, parce que très vite, l’un des deux se spécialise "enfants – maison", tandis que l’autre se focalise plutôt sur sa carrière. Le système économique, les problèmes de garde dans la petite enfance, les congés maternité et paternité, nous incitent aussi à ça. Moi je serais pour un congé deuxième parent allongé – il l’a été un peu récemment – mais surtout obligatoire. Les hommes le prennent très peu, aussi parce qu’ils sentent que c’est mal perçu à leur travail. Si c’est obligatoire, il n’y a plus de discussion.
Le féminisme fait le printemps conférence "Le couple et l’argent" avec Titiou Lecoq, jeudi 1er juin à 18h30 à Grenoble Alpes Métropole, entrée libre
à lire aussi
derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Actus...
Lundi 27 mars 2023 Une fresque sera apposée rue Gabriel-Péri entre le 1er et le 9 avril.
Lundi 13 février 2023 Des falaises du Mont-Blanc aux tourments du service militaire, des salons d’arts décoratifs aux squats lyonnais, pour arriver jusqu’à Voiron : rencontre avec François Germain, un anticonformiste qui a fondé, il y a 10 ans, la Théorie des Espaces...
Mercredi 17 août 2022 Ils veulent globalement de la fraîcheur, de la verdure et du sport. La phase de sélection se poursuit pour le budget participatif de la ville de Grenoble, et les votes sont ouverts au public jusqu’au 3 septembre.
Vendredi 3 juin 2022 Finale académique à Grenoble le 17 mars dernier, demi-finale nationale à Paris le 8 avril, finale nationale à Lyon le 31 mai, la doctorante de l'Université (...)
Mardi 24 mai 2022 Le Grenoble Street Art Fest revient pour sa 8e édition, du 27 mai au 26 juin dans dix communes. Des expos, des conférences, des visites, des projections, du sport, des concerts… Et cinquante nouvelles œuvres de tous formats prévues sur les murs de...
Lundi 2 mai 2022 Vous transpirez d’anecdotes, souvenirs, légendes ou fantasmes à propos de la cité universitaire du Rabot ? Nous vous invitons fortement à vous rapprocher du (...)
Vendredi 22 avril 2022 Récemment enrichi de trois nouvelles sorties, le label grenoblois Stochastic Releases accueille depuis quinze ans divers projets musicaux pointus aux esthétiques musicales radicalement différentes, que seule réunit la sensibilité artistique de son...
Vendredi 22 avril 2022 Portes ouvertes au Ciel, haut lieu de musique et de culture de Grenoble, samedi 7 mai, avec en particulier une série de concerts des artistes résidents dans les sous-sols.
Vendredi 22 avril 2022 Installées sur le glacis du fort de la Bastille, face à Belledonne, quatre petites cabanes conçues par des étudiants en architecture doivent permettre au public néophyte d’expérimenter le bivouac en montagne. Du 2 mai au 2 octobre, des gardiens se...
Lundi 9 mai 2022 Le 35e festival des Arts du Récit revient (physiquement) en Isère du 11 au 19 mai, avec une nouvelle directrice, ancienne des Musiciens du Louvre : Stéphène Jourdain. L’occasion de discuter de l’action du Centre des Arts du Récit, une structure très...
Vendredi 22 avril 2022 On vous en parlait il y a quelques mois : l’association Soleil Rouge, qui regroupe 10 clowns intervenant auprès des enfants malades (...)
Vendredi 15 avril 2022 Les gentils rappeurs toulousains sont les têtes d’affiche du prochain Vercors Music Festival, qui se tiendra du 1er au 3 juillet. Pas seulement, parce qu’ils ont carrément composé eux-mêmes une partie de la programmation (encore inconnue). Sinon, on...
Lundi 9 mai 2022 Les équipes d'ARC-Nucléart, le laboratoire grenoblois qui met le rayonnement gamma au service du patrimoine, nous ont ouvert leurs portes pour une délicieuse immersion scientifique au sein de ce lieu expérimental grenoblois, unique en France, qui...
Mardi 12 avril 2022 Les personnes sont les mêmes, mais les statuts changent. Au lieu d’être exploitée en délégation de service public par l’association MixLab, la Belle Électrique sera gérée par une SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), Musiques Actuelles...
Mardi 5 avril 2022 La Cinémathèque et le Ciné-Club de Grenoble organisent une soirée spéciale de cinéma, dont les bénéfices seront reversés à la Croix-Rouge, qui vient en aide aux Ukrainiens.
Mardi 5 avril 2022 Premières infos et premiers noms pour la huitième édition du Street Art Fest de Grenoble, qui se déroulera du 27 mai au 26 juin dans onze communes.
Jeudi 31 mars 2022 Retour à Grenoble de Musée Électronique Festival, qui invite au mois de juin, dans le superbe cadre du musée Dauphinois, Agoria, Cerrone, Joris Delacroix et Yuksek. Le Petit Bulletin est partenaire !
Mardi 29 mars 2022 Il faut souvent chercher loin pour trouver les propositions ou les déclarations des candidats à l'élection présidentielle sur la culture (et parfois, sans résultat). Tour d’horizon, à quelques jours du scrutin, des mesures promises par chacun des...
Lundi 28 mars 2022 Josiane Gouvernayre, octogénaire iséroise, était reçue à bras ouverts mardi 22 mars au musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, à qui elle a fait don d’une série d’objets personnels datant de la Seconde Guerre mondiale.
Mardi 29 mars 2022 Avouons qu’il aura été vite plié, ce petit dossier sur les propositions des candidats à (...)
Lundi 28 mars 2022 Poète, slameur, romancier, Julien Delmaire est l’invité phare du Printemps du livre de Grenoble, où il présentera son dernier roman "Delta Blues" (Grasset, 2021) et son livre jeunesse "Les aventures inter-sidérantes de l’ourson Biloute" (Grasset...
Lundi 21 mars 2022 Un regroupement d’associations organise, les 26 et 27 mars à la Salle 150 de Grenoble, une série d’événements autour du hip-hop, et notamment des "jams" où la piste et le micro sont ouverts à tous.
Lundi 14 mars 2022 C’est inédit, une aire de bivouac ouvre bientôt sur l’esplanade au-dessus du fort de la Bastille. Ce projet expérimental est un maillon important du programme concrétisant la distinction Grenoble Capitale Verte de l’Europe 2022. Le site le plus...
Vendredi 18 mars 2022 « S’il vous plaît, parlez de nous. » C’est par ces mots que le Ballet de Saint-Pétersbourg, conclut son mail. En tournée en France jusqu’en avril, (...)
Lundi 14 mars 2022 [MàJ 18/03 : l'événement est reporté à une date non encore précisée] Plateau inhabituel à l’Ampérage, dimanche 20 mars. Jocelyne, Maryse, Odile, Anne, Zohra, Pascale et Michèle forment les "mamies guitares", le temps d’un unique concert.
Mercredi 9 mars 2022 Ils ont décidé d’être ambassadeurs de la paix et de le faire savoir sur toutes les scènes où ils passeront. Depuis le début des attaques russes en Ukraine, les artistes du Saint-Petersbourg Festival Ballet subissent de fortes pressions, notamment...
Lundi 14 mars 2022 Réalisateur des très reconnus "Concerts à emporter" dans les années 2000 – où l’on pouvait notamment voir Arcade Fire jouer un morceau impromptu dans un ascenseur –, Vincent Moon se consacre depuis 2009 à "Petites Planètes", une série de films...