Les paysages nous regardent : le projet de Bertrand Stofleth et Geoffroy Mathieu s'expose à Lyon

Publié Lundi 25 août 2025

Photographie / À Archipel, jusqu'au 21 septembre, "Paysages usagés" déplie une décennie de regards croisés sur le GR2013 : un voyage où chaque image se superpose, se dissout et renaît, jusqu'à faire du paysage un récit vivant.

Photo : OPPGR2013 002 - Boues Rouges et Stadium, Vitrolles, 12h50, 13 06 2022 © Bertrand Stofleth et Geoffroy Mathieu, tirage photographique Lambda print contrecollé sur Dibon, cadre chêne avec réhausse, verre antireflet, 90x11 cm, Collection du Frac Sud - Cité de l'art contemporain, Marseille

Dans une époque où la vitesse avale les traces, Paysages usagés impose une suspension. Dix ans d'arpentage photographique traversant l'aire métropolitaine de Marseille, dix ans de reprises patientes, de retours sur les mêmes points, pour montrer que rien ne se répète jamais vraiment. Ici, le paysage n'est pas décor : il est présence, matière traversée par le temps et les usages, fragile épiderme où se gravent autant les gestes humains que les respirations de la terre.

Une écriture, des frictions

Les images réunies par Bertrand Stofleth et Geoffroy Mathieu ne fixent pas un instant mais donnent à percevoir le frottement des mondes : urbain et rural, naturel et construit, intime et collectif. Chaque photographie est une strate déposée, qui vient en recouvrir une autre. Ainsi, devant nos yeux, se compose une archéologie de lieux, d'histoires et de transformations, où la mémoire s'entête à survivre au présent.

OPP094 - Chemin des flâneurs, Aix-en-Provence, 2012-2022, tirages photographiques pigmentaires, papier baryté, contrecollé sur contreplaqué peuplier, 15x20 cm

L'œil comme espace habité

Ce qui fascine, c'est cette superposition dans la rétine : une compénétration où les clichés se traversent, se doublent, se déplacent. Les sujets photographiés reprennent souffle, animés d'une vitalité qui excède l'instant de leur capture. Le regard ne peut pas se contenter d'un passage unique : il revient, insiste, repart, dans un mouvement ininterrompu. L'image devient voyage, succession de voiles visuels qui se soulèvent pour mieux reconduire vers elle.

La politique de la lenteur

L'exposition ne raconte pas seulement des paysages : elle interroge la manière dont nous les habitons, les transformons, les abandonnons. Chaque cliché nous met au défi de ralentir, d'accepter le temps long comme seul véritable narrateur. Ici se joue une politique discrète mais essentielle : celle qui redonne aux territoires le droit d'être regardés autrement qu'à travers l'urgence des chiffres ou l'avidité des projets.

Habiter l'image

Paysages usagés ne livre pas de réponses définitives, mais propose un espace de résonance. Nous y entrons comme on entre dans une maison de verre, où les reflets multiples se diffractent en visions changeantes. Loin de figer, les photographies ouvrent. Elles nous reconduisent inlassablement à ce point où l'on cesse de posséder le paysage pour enfin le laisser nous habiter.

Vue de l'exposition Paysages usagés © Archipel

Paysages usagés par Bertrand Stofleth et Geoffroy Mathieu
Jusqu'au 5 octobre 2025 à Archipel (Lyon 1er) ; entrée libre