Les salles de concert lyonnaises passent en mode doux
Mobilités / À Lyon, la transition écologique se joue aussi sur les trajets jusqu'aux salles de spectacle. De l'Épicerie moderne au Transbordeur, les lieux de musique investissent pour inciter leur public à abandonner la voiture.

Photo : © Métropole de Lyon
Dans le bilan carbone d'un concert, ce ne sont ni les spots lumineux ni les amplis qui pèsent le plus lourd. Ce sont les déplacements du public. Dans certaines salles périphériques françaises, 60 à 70 % des spectateurs arrivent en voiture, selon le rapport Décarbonons la Culture! du think tank The Shift project qui date de 2021. Dans ce contexte, de nombreux lieux de concert cherchent à agir à leur échelle pour réduire l'empreinte des trajets.Â
Mobilité douce et concerts "slow"
Premier arrêt à Feyzin, dans la banlieue sud de Lyon. L'Épicerie moderne, labellisée SMAC, s'est penchée sur la question des mobilités. Ici, le dernier bus part à 23h08, bien avant la fin des concerts. Pour remédier à ce problème, l'équipe a mis en place une navette gratuite à 23h30, en partenariat avec les TCL. Une solution coûteuse, mais jugée indispensable pour garantir un retour sécurisé. L'attention portée aux mobilités douces se traduit aussi dans les équipements : les vestiaires sont gratuits et des casiers sont mis à disposition pour les trottinettes.
Dans cette même logique de décarbonation, la SMAC a franchi une nouvelle étape en 2024 en lançant les "concerts slow" : des soirées à faible empreinte énergétique, où les spectateurs venus à vélo, à pied ou en transports en commun paient leur place seulement 7 euros. L'idée séduit, mais sa mise en œuvre reste délicate puisqu'il faut à la fois négocier des cachets adaptés avec les tourneurs et convaincre les artistes d'adopter des modes de transport plus écologiques. Une clause bonus est en réflexion pour les groupes qui choisissent le train, sous forme d'incitation financière.
Des leviers en construction
Côté Transbordeur, un équipement Métropolitain confié en DSP, la démarche est plus fragmentaire car une partie de la programmation est externalisée. « Nous ne sommes pas propriétaires de l'intégralité de nos données, il est donc difficile de mettre en place un système de covoiturage », explique Lise Épinat, directrice de la communication. Pour les événements produits en interne, certaines initiatives voient toutefois le jour. Le vestiaire est gratuit pour les usagers se présentant avec un casque de vélo.
La directrice de la communication a mené une enquête dans le cadre d'un travail universitaire centré sur la question en 2022 : 36 % des spectateurs venaient alors en voiture (dont 7 % en covoiturage), 35 % utilisaient les transports en commun et 20 % arrivaient à vélo. Les publics les plus motorisés étaient ceux attirés par les grandes têtes d'affiche ou par des styles plus confidentiels, comme la dub.
Pour limiter l'impact carbone lié à la voiture, plusieurs mesures ont été mises en place. Depuis 2023, le parking situé aux abords de la salle est fermé au public et réservé uniquement au personnel, aux personnes à mobilité réduite et aux spectateurs ayant des besoins spécifiques. Par ailleurs, comme d'autres salles lyonnaises, le Transbordeur encourage le covoiturage dès l'achat des billets en ligne, en redirigeant vers la plateforme gratuite En Covoit', mise en place par la Métropole pour faciliter et sécuriser les trajets partagés.
Dans le centre de Lyon, les salles comme le Marché gare ou le Périscope (toutes deux SMAC) font face à des enjeux différents. Bien desservies par les transports en commun, notamment le métro, elles accueillent un public majoritairement urbain, souvent déjà habitué à se déplacer à pied, à vélo ou en transports en commun. Au Marché gare : « On voit que les gens viennent en transports ou à vélo, surtout ceux de Lyon et Villeurbanne. On essaye de suivre les habitudes », explique François Arquillière, responsable communication. Pour les artistes en résidence, la possibilité de stocker du matériel sur place facilite aussi le recours au train. Mais comme ailleurs, les tournées internationales restent largement dépendantes de la route et de l'aérien, qui sont des logiques plus difficiles à infléchir.
L'Aéronef, le laboratoire lillois
Dans la proche banlieue nord, le Radiant-Bellevue bénéficie depuis longtemps d'un partenariat avec le Sytral pour ajuster les horaires des bus à ceux des spectacles tandis que leur site propose d'utiliser son propre site de covoiturage.
Si l'offre varie selon les concerts, la clientèle aussi. D'un soir à l'autre, le public passe de jeunes trentenaires venus pour voir un humoriste à un auditoire plus mûr, amateur de musique classique ou de danse contemporaine. Ces différentes générations n'ont pas les mêmes réflexes de mobilité. « Mais on peut faire évoluer les pratiques », assure son directeur Victor Bosch.
Régulièrement citée comme modèle par les structures lyonnaises, la salle de concerts l'Aéronef à Lille a investi près de 50 000 euros pour développer une stratégie complète appelée L'aéro easy go. Depuis 2019, elle propose des billets combinés avec des titres de transport, offre un stationnement gratuit aux covoitureurs, un vestiaire à vélos, et même un service de réparation. En 2023, une application intégrant QR codes et retours utilisateurs a été lancée. Elle permet de suivre en temps réel les modes de déplacement du public. En quatre ans, le nombre de visiteurs venant seuls en voiture est passé de 38 % à 8, 5 %. Des résultats probants qui montrent qu'un changement de pratiques est non seulement envisageable, mais déjà en cours, même si certains acteurs de l'industrie sont difficile à intégrer au cœur de ce type de réflexions, et que les moyens manquent parfois pour soutenir les dispositifs.