Virginie Despentes et Béatrice Dalle, passeuses pasoliniennes d'excellence

Accompagnées du groupe Zëro, les deux artistes seront vendredi 22 mars sur la scène de la Source pour porter les mots de Pier Paolo Pasolini. Un événement.


Une romancière rock, une actrice rock et un groupe de rock (plutôt post-rock mais le spectre est large) au service d'un écrivain, poète, intellectuel et cinéaste italien dont le charisme d'abord, le destin et la légende ensuite, ont fait une véritable rock star, une figure au moins aussi influente dans la sphère pop culturelle que les écrivains beat : c'est le programme de cette performance musicale, entre lecture et concert et sans doute beaucoup plus que ça, initiée par Virginie Despentes et centrée sur les mots de Pier Paolo Pasolini, éternel révolté tragiquement assassiné en 1975 mais entré dans l'éternité.

En 2015, l'autrice de King Kong Théorie s'affrontait sans fard et sur scène à l'œuvre d'un autre grand révolté, d'un autre grand poète (Calaferte et son Requiem des innocents). Et convoquait, pour en tisser l'atmosphère sonore, ce totem de la musique alternative aux frontières du rock le plus instinctif et de la musique savante qu'est Zëro (anciennement Bastard, anciennement Deity Guns). Un groupe rencontré du temps de ses années lyonnaises dans les squats des pentes de la Croix-Rousse qui agitaient alors l'underground rock lyonnais. La chose avait marqué les esprits et, quand il s'est agi de remonter sur scène pour invoquer la figure de Pasolini à travers ses textes, l'évidence fut de rappeler Zëro avec lequel la connexion, toujours à bonne distance du texte, était immédiatement évidente.

Mais Despentes a choisi aussi de faire appel à son amie Béatrice Dalle, à son pouvoir d'incarnation, à sa juste sauvagerie. C'est alors une sorte de joute verbale sur deux tons qui s'engage à l'entame de La Jeunesse malheureuse, œuvre qui fit scandale lors de sa publication à rebours de la bien pensance. Il y a Dalle affamée et exaltée (l'actrice est proprement époustouflante) et Despentes placide et clinique. Et Zëro dont les vapeurs sonores se font orageuses, berçant puis secouant les déclamations d'un texte dont le sens s'envole parfois pour laisser place à la transe. Par moments, les voix et les textes se chevauchent, ajoutant à la spirale hypnotique des mots et de la pensée pasolinienne dont ces deux grandes dames seraient les grandes prêtresses, les pythies positivement possédées.

Pasolini > Despentes + Dalle + Zëro
À la Source (Fontaine) vendredi 22 mars à 20h30


<< article précédent
"Qui m'aime me suive !" : désolé, on va partir dans l'autre sens