Rémi Perrier : « Aujourd'hui, je ne peux pas dire si Musilac est annulé ou ne l'est pas »

Du samedi 11 au mardi 14 juillet devrait se tenir à Aix-les-Bains (Savoie) le festival Musilac, avec des têtes d'affiche françaises et internationales comme PNL, Iggy Pop, Lenny Kravitz, Angèle, -M-, Metronomy, Lomepal, Niska… Sauf que Rémi Perrier, le producteur de spectacle basé à Grenoble qui gère l'événement, ne sait pas si cette dix-neuvième édition pourra avoir lieu. On lui a passé un coup de fil pour en savoir plus.


Pouvez-vous nous dire aujourd'hui si la dix-neuvième édition du festival Musilac aura bien lieu mi-juillet ?

Rémi Perrier : Non, car on a plusieurs problèmes. Le premier est que ça va commencer à péter du côté des artistes avant même que le gouvernement français et les préfectures ne se prononcent sur des décisions territoriales. Il y a des Américains, des Anglais, des Africains qui nous disent qu'ils ne seront sans doute pas en Europe cet été, ne sachant pas s'ils seront autorisés à bouger ou, si jamais c'est possible, s'il y aura des avions pour les transporter. Des problèmes concrets pour un organisateur de festival !

Un autre problème, c'est la billetterie : en ce moment, on ne vend quasiment plus de place pour Musilac, ce qui est aisément compréhensible. Mais ce qu'on ne vend pas maintenant, on sait que ce sera irrattrapable pour la suite. Si suite il y a…

Vous semblez donc vous préparer à une annulation…

À mesure que des festivals s'annulent autour de la France – Glastonbury, Bayreuth, Roskilde… –, je ne vois pas comment un préfet ou un gouvernement autoriseraient des rassemblements de ce style cet été en France. Je suis sur la même ligne que Ben Barbaud du Hellfest [qui, depuis que nous avons réalisé cette interview, a annoncé l'annulation de son festival prévu en juin à Clisson, près de Nantes – NDLR], je demande que le gouvernement nous dise très vite ce qu'il en sera. Parce qu'on parle de cachets d'intermittence, d'emplois, de festivaliers qui attendent…

Aujourd'hui, je ne peux donc pas dire si Musilac est annulé ou ne l'est pas. Pas pour des questions d'assurance : on le sait, on ne touchera rien, les assurances sont en train de planter tous les festivals, elles dénoncent les contrats un par un – c'est catastrophique. Mais parce que l'État nous laisse dans le flou. On a par exemple un ministre de la Culture qui est atone. C'est terrifiant. On est extrêmement inquiets au niveau interprofessionnel : on n'est absolument pas entendus, écoutés, pris en compte alors qu'on est dans une urgence totale – même si, évidemment, elle est relative par rapport aux malades, c'est sûr.

Comment le public réagit-il à cette incertitude ?

Magnifiquement bien. Tout le monde comprend très bien la situation, comme on peut le voir sur les réseaux sociaux. On a vite communiqué lors du déclenchement de la crise pour informer les 30 000 personnes qui ont déjà leur place, et celles qui comptaient en acheter. Même si, comme je le disais, en ce moment, on ne vend quasi plus rien. On en vend encore un peu : 40 billets vient d'être achetés en trois jours. J'ai envie d'avoir le nom des ces personnes pour les embrasser sur la bouche quand on pourra s'embrasser !

Musilac est l'événement phare de votre société grenobloise RPO, mais pas le seul. Vous organisez chaque année de nombreux concerts en Rhône-Alpes et aux alentours, notamment dans la région grenobloise – au Summum, au Palais des sports, au Grand Angle de Voiron… La situation actuelle doit avoir un impact considérable sur votre activité…

On a la chance, comme beaucoup de nos confrères diffuseurs, quelles que soient les régions, d'avoir pu reporter la très grande majorité de nos concerts et spectacles. À RPO, on a par exemple eu seulement trois événements annulés de manière définitive contre une cinquantaine reportés. Mais ce qui est en train de se passer maintenant, avant même que l'on nous donne la date de fin du confinement, c'est qu'on commence à reporter des reports initialement prévus en mai ou juin. Tout en continuant à programmer pour la suite – 2021 voire 2022 dans certains cas – pendant les travaux, la vente continue, si je peux dire – certes avec une petite baisse.

Ce sont donc des situations qui, économiquement, nous fragilisent, même s'il y a des mécanismes qui sont mis en place pour nous aider, dont il faudra voir le côté pratique et rapide ou non. On a par exemple fait appel à la Banque publique d'investissement et son système de prêt. C'est indispensable : sinon, comme beaucoup dans le monde culturel, nous risquons de mourir. Après, je ne suis pas non plus catastrophé : je pense qu'il y aura des possibilités de rebonds après ça, que les gens voudront vraiment ressortir. Du moins, je l'espère.


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