Édito du n°918 - mercredi 29 janvier - Petit Bulletin Grenoble
Une œuvre d’art sortie de son contexte peut délivrer un message tout autre. On en a eu la preuve la semaine dernière avec l'artiste norvégien Bjarne Melgaard, grâce à Dasha Zhukova, fashionista russe rédactrice en chef du magazine Garage et accessoirement girlfriend du milliardaire Roman Abramovich.
Cette dernière a ainsi posé assise sur une pièce du Norvégien. Sauf que la pièce en question n’est pas anodine, puisqu’il s’agit de la sculpture d’une femme noire couchée sur le dos, les jambes en l’air, avec un coussin placé sur ses cuisses. La photo, parue sur le blog russe Büro 24/7, est reprise un peu partout sur le web, plusieurs internautes ne manquant pas de dénoncer un acte raciste.
Zhukova doit du coup s’excuser, et clarifier les choses sur les véritables intentions de l’artiste. Qui s’est contenté de poursuivre le travail du Britannique Allen Jones (des femmes-meubles dépeignant la condition de la femme dans les années 60/70) en rajoutant les codes de la blaxploitation pour un message on ne peut plus clair. Le problème principal venant du fait qu’aucune légende n’accompagnait cette photo. Car on peut faire dire ce que l’on veut à une œuvre d’art (la même mise en scène avec un membre du Klux Klux Klan aurait été immonde).
Une polémique qui illustre surtout ce qu’est devenue une partie du monde de l’art contemporain, où l’on s’assoit sur des œuvres politiques maintenant hors de prix comme si de rien n’était, parce qu’on est riche et branché. Et que ça fera une image classe dans un beau magazine chic, pour une interview dans laquelle on ne parle même pas d’art engagé ou du statut de la femme. C’est bon, on n’est pas là pour se prendre la tête non plus. Qui veut du champagne ?
