Fish Tank

Pour son deuxième long-métrage, Andrea Arnold filme à juste distance du style et du réalisme la quête identitaire et familiale d’une ado sauvage qui se rêve danseuse de hip-hop. La révélation de la rentrée. Christophe Chabert

Si Red road, premier long de la réalisatrice anglaise Andrea Arnold, avait déjà séduit par sa maîtrise et son culot, Fish Tank, son nouveau film (et son deuxième prix du jury à Cannes !), confirme et amplifie cette sensation. Il faut dire que la cinéaste sait capter l’attention des spectateurs dès ses premiers plans… Quelque part entre les Dardenne et le Gus Van Sant d’Elephant, elle accompagne la marche d’une adolescente indocile, Mia (et son interprète, la remarquable Katie Jarvis), dans le paysage désolé d’une banlieue de tours et de terrains vagues, en caméra portée et écran carré — pied de nez gonflé au 16/9 triomphant. Comme pour bousculer ce programme «réaliste social» très anglais, Arnold fait basculer son introduction dans l’étrange, grâce à la rencontre avec un cheval attaché que Mia essaye de libérer. En dehors du symbole un peu appuyé (la fougue entravée est aussi celle de Mia), cet animal incongru dans le décor du film indique au spectateur que Fish Tank va s’autoriser aussi beaucoup de libertés.

Mia farouche

Il y a donc un fil rouge, celui de Mia : en conflit avec une mère (superbe de sensualité, et pour cause, c’est Kierston Wareing, l’extraordinaire Angie de It’s a free world) accumulant bitures et conquêtes masculines, elle se réfugie dans le rêve dérisoire de devenir danseuse hip-hop. Et il y a de nombreux décrochages : sa petite sœur qui jure comme une racaille, ce fameux cheval et son propriétaire, visiblement intéressé… Mais c’est surtout l’arrivée d’un beau-père séduisant et attentionné (Michael Fassbender, après Hunger, Eden Lake et Inglourious Basterds, décidément l’acteur le plus excitant du moment) qui va désorienter Mia. Sa présence d’abord apaisante, notamment au cours de ce superbe moment de plénitude où la famille réunie part pêcher au bord d’une rivière bucolique, introduit peu à peu une tension érotique troublante. Désamorcée par une séquence affolante de sensualité, cette tension revient lors d’un derniers tiers époustouflant, fait de spectaculaires virages scénaristiques sans tomber pour autant dans la surenchère — une gifle suffit pour remettre tout le monde à sa place, mari infidèle et ado impulsive. La mise en scène purement physique, presque objective, d’Andrea Arnold pourrait passer pour un excès de maîtrise. Mais quand les larmes montent aux yeux à la fin du film, on comprend que cette maîtrise n’avait qu’un but : amplifier l’émotion d’un récit initiatique marquant la naissance d’une nouvelle enfant sauvage de cinéma.

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