Blancanieves

Blancanieves
De Pablo Berger (Esp, 1h44) avec Maribel Verdú, Daniel Gimenez-Cacho...

"The Artist", "Tabou"... : le muet est à la mode. Cette semaine, le réalisateur Pablo Berger revisite Blanche-Neige dans l’Espagne de la corrida et du flamenco. Sans parole donc, sans couleur, mais avec une grande malice visuelle et beaucoup d’humour. Christophe Chabert

Les historiens du cinéma se pencheront dans quelques années sur ce paradoxe né au début des années 2010 : alors que le numérique triomphe, des cinéastes reviennent aux origines, l’époque où le cinéma n’avait pas encore inventé le moyen d’enregistrer l’image ET le son. Le cinéma muet revient donc en force sur les écrans comme une résistance mi-nostalgique, mi-ironique, au tout technologique contemporain et Pablo Berger, dans Blancanieves, réussit la parfaite jonction entre le fétichisme d’un Hazanavicius et la posture théorique d’un Miguel Gomes. Son deuxième film (le premier, Torremolinos 73, s’amusait déjà à faire revivre des images d’un autre temps, celles du porno amateur) revisite le conte des frères Grimm en le transposant dans une Espagne folklorique, où les hommes sont toreros et les femmes danseuses de flamenco. Jusqu’à ce qu’une certaine Blanche-Neige vienne bousculer les conventions, reprenant le flambeau d’un père estropié lors d’une corrida et d’une mère morte en couche, remplacée par une marâtre adepte de parties SM dans son salon bourgeois.

Blanche neige et les six nains

Dès l’introduction, Berger retrouve la lettre du cinéma muet : chaque plan dégage une puissance expressive et une photogénie sidérante, produisant une narration purement visuelle. Mais le metteur en scène ne se laisse pas enfermer dans la grammaire de l’époque : la caméra portée et le montage, parfois frénétique, sonnent comme autant "d’anachronismes" féconds. Cette liberté, il l’applique aussi au conte initial, en le dépaysant, certes, et en révélant ses interdits, que ce soit la sexualité de la belle-mère, l’androgynie de Blanche-Neige ou le désir des hommes autour d’elle, s’inscrivant clairement dans une lignée buñuelienne. Aux deux tiers du film, alors que Berger est au bord de verser dans l’exercice de style, il insuffle un humour réjouissant avec l’apparition des sept nains, qui ne sont en fait que six – un gag assez génial montre l’un d’entre eux compter et recompter sur ses doigts, perplexe. Berger s’offre alors un final étourdissant, où ses visions se font plus fortes (comme la surimpression de la tête de mort sur la pomme empoisonnée), et ses références plus impures encore (le Freaks de Browning en premier lieu). Finalement, pas besoin d’historiens : Blancanieves se charge tout seul de s’inventer sa propre généalogie cinéphile.

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