Profession : acteur

Aurélien Portehaut, comédien, s’éloigne avec À chacun sa méthode, son premier one-man-show, des scories du genre et se rapproche du slapstick pour proposer une drôle de mise en abyme drôle de son propre métier. Christophe Chabert

«Être acteur est un sujet que je connais assez bien pour pouvoir me permettre de dire quelque chose dessus». C’est ce que nous déclare Aurélien Portehaut en interview, et c’est le meilleur résumé de son étrange one-man-show, À chacun sa méthode. Fan affirmé de Rowan Atkinson, plutôt sceptique sur la mode du stand up, du moins dans ses adaptations françaises, Portehaut ne semble vivre que par et pour le jeu. Son spectacle commence donc par… des échauffements ! Pas des échauffements sportifs, mais les échauffements d’un acteur en retard. Commentaire de Portehaut : «La seule chose que je voulais absolument faire dès le départ, c’est l’ouverture du spectacle : arriver sur scène sans être prêt. Si ça se passait vraiment, qu’est-ce que je ferais ? Comme acteur, j’aime bien avoir un minimum de temps avant pour me chauffer. Donc jouons avec ça : je me prépare devant les gens !» Cette vraie-fausse entrée en scène renvoie à une pratique courante au cours des matchs d’impro (que Portehaut connaît bien pour y avoir participé pendant de nombreuses années) où les comédiens se préparent devant le public ; évidemment, dans À chacun sa méthode, la chose est poussée jusqu’à l’absurde, l’acteur en scène demandant aux spectateurs d’oublier sa présence. Cette manière de dévoiler les coulisses de ce qui est avant tout un métier, avec ses règles, ses codes, sa petite cuisine, devient le fil rouge d’un spectacle qui prend le risque (et c’est pour cela qu’il s’avère si attachant) de dérouter l’amateur de comique tsoin-tsoin qui va au one-man-show avec l’envie d’amortir en éclats de rire le prix de son billet d’entrée.Élastique
On rit pourtant souvent, et parfois beaucoup, pendant À chacun sa méthode (certains sketchs, comme celui du vaudeville revu depuis ses didascalies, sont bidonnants). Mais il arrive aussi que l’on ne rit pas, et il se trouve que ces passages-là sont ceux qui restent le plus longtemps en tête. « Si les gens rentrent chez eux et y repensent, explique-t-il, je trouve ça mieux que s’ils se sont marrés tout le temps mais qu’ils oublient le lendemain les trois-quarts des vannes. Je préfère voir des gens qui ont le sourire pendant le spectacle plutôt que d’accumuler les éclats de rire. Il faut qu’il reste quelque chose après.» Pour l’avoir vu au travail, on sait que Portehaut est un cas bizarre de type à la fois cérébral et intuitif, technique et spontané, précis et libre, et tout cela se retrouve dans ce spectacle-autoportrait n’hésitant pas à oser le slapstick, le corps élastique et la grimace grinçante. Cela donne un des sommets du spectacle, un sketch où un acteur dramatique raide comme un piquet entreprend de réciter du Euripide d’une voix de fausset, transformant le texte d’origine en onomatopées, créant ainsi une musique dissonante absolument démente. «Ce sketch, je l’ai écrit en trois jours, juste avant la première. Et j’étais parti sur une idée inverse : un acteur sérieux qui vient faire une lecture très théâtrale. La veille, je me suis dit que ce personnage allait donner trop d’importance aux mots, et le spectateur allait avoir la tentation de suivre un minimum ce qu’il raconte. Et ce n’était pas ça que je voulais, je m’en fous d’Euripide. Le soir de la première, j’ai donc décidé de changer ce personnage, et il est littéralement né devant les gens.» On retrouve l’empreinte Atkinson sur ce moment de folie pure, et Portehaut ne nie pas avoir beaucoup regardé le one-man-show de l’interprète de Mr Bean pendant qu’il écrivait le sien. Comme un comédien british né par hasard à Grenoble (cette représentation dans le cadre du Festival de la cour du vieux temple est comme un retour au bercail…), Aurélien Portehaut roule à contresens sur l’autoroute de l’époque en rêvant tout haut ses racines d’acteur.À chacun sa méthode
De et par Aurélien Portehaut
Au Festival de la cour du vieux temple le lundi 23 août.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 17 octobre 2023 L'édito du Petit Bulletin n°1221 du 18 octobre 2023.
Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Lundi 24 avril 2023 Le secteur culturel grenoblois s’empare, depuis peu mais à bras-le-corps, du sujet épineux de la transition écologique. Mobilité des publics, avion ou pas avion pour les tournées des artistes, viande ou pas viande au catering, bières locales ou pas...
Lundi 13 février 2023 Dans la catégorie humoriste nonchalant, on demande le pas encore trentenaire Paul Mirabel, drôle de Zèbre (c’est le nom de son spectacle) qui cartonne depuis (...)
Lundi 16 janvier 2023 Trois soirées électro à Grenoble pour faire bouger tes nuits : Ed Isar le 24 janvier à la Bobine, Umwelt le 27 janvier à l'Ampérage et une Semantica Records night le 28 janvier à la Belle Électrique.

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X