«Je fais mes classiques»

Après Hamlet / thème & variations et Richard III, le metteur en scène David Gauchard clôt sa trilogie shakespearienne et urbaine avec Le Songe d’une nuit d’été. Rencontre. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Avec Le Songe d’une nuit d’été, une pièce très féerique, vous bouclez votre trilogie mixant Shakespeare et nouvelles technologies sur une note très positive…
Oui, c’est voulu. Auparavant, il y a eu Hamlet, un spectacle sur l’héritage et le fait de faire des choix – suis-je ou non le fils du Danemark, c’est ça la vraie question. Après, il y a eu Richard III, avec une réflexion politique sur le pouvoir – l’arrivée au pouvoir, le fait de s’y maintenir en évinçant les contre-pouvoirs… Et j’ai eu envie de terminer la trilogie avec une comédie, en partant d’une phrase du philosophe Gilles Deleuze : « le système nous veut triste et il nous faut arriver à être joyeux pour lui résister ». C’est une interrogation qui m’est venue à l’esprit à un moment : peut-être que le fait de rire ensemble est un moyen de résister, en cette période de montée du populisme ; où il n’y avait même pas six mois, je ne savais pas que l’on avait trois A, alors que maintenant, je suis complètement déprimé parce que l’on a plus que deux A et un +. C’est donc l’idée de terminer la trilogie sur quelque chose de festif : lors de la première, les spectateurs sortaient avec la banane, et la gardaient !

Quel est l’apport des nouvelles technologies dans ce spectacle ?
Comme avec les précédents, il y a toujours l’utilisation de la vidéo ; utilisation que l’on a poussée encore plus loin que ce qui avait déjà été fait sur Richard III, car la pièce nous y incitait. On passe donc par le détournement de flashcodes et autres petites choses technologiques, qui apparaissent malgré tout dans la pièce comme le décor, comme le fond du spectacle. Car évidemment, c’est du théâtre, et non une performance technologique. On est restés au plus près du texte de Shakespeare, d’ailleurs toujours traduit par André Markowicz, et accompagné par Françoise Morvan.

Sur la musique, très présente dans votre théâtre puisque jouée live, elle semble aller dans une direction différente des deux autres pièces…
Robert le Magnifique est toujours à la musique, avec cette fois-ci Laetitia Shériff et Thomas Poli. Sur Hamlet, on était partis sur de l’électro et du rap, parce que la pièce est comme une forme de revendication, avec de grands monologues. La forme d’écriture qu’est le rap collait donc bien avec le texte. Sur Richard III, je me suis vraiment ancré dans quelque chose de rock, avec les guitares d’Olivier Mellano, car la pièce est plus noire, plus implacable. Et sur Le Songe d’une nuit d’été, avec Robert, on est sur quelque chose de plus pop, avec beaucoup de références aux films de mon enfance et aux bandes dessinées que je lisais à cette époque. Je cherchais à instaurer un rapport avec l’enfance de ma génération, avec des rencontres du troisième type [du nom d’un film de science-fiction de Spielberg – NdlR], avec tout ce qui est du domaine des super-héros… Et comme dans Le Songe d’une nuit d’été, il y a plein de personnages magiques – le roi des elfes, la reine des fées, Puck qui peut faire le tour de la terre en quarante minutes… –, je leur ai trouvé des équivalents dans la culture pop.

Votre approche est on ne peut plus contemporaine ; pourtant, vous choisissez de monter des pièces classiques dites du répertoire. Pourquoi ne pas confronter votre univers à celui du théâtre contemporain ?
Ça va venir ! À la base, j’ai fait des études de chimie, je suis arrivé très tard au théâtre et à la littérature. J’ai donc un peu l’impression de faire mes classiques. Mais là, en bouclant cette trilogie, c’est la fin d’un mouvement. Maintenant, je pense me tourner vers des écritures plus contemporaines. Et en même temps, lorsque j’avais fait certains projets contemporains il y a quelques temps, j’avais très peu utilisé les nouvelles technologies. Parce que j’avais peur de la redite : avec Shakespeare, sa langue, il y a quelque chose qui fonctionne, ça fait sens. C’est jubilatoire de mélanger le monde d’aujourd’hui et ces vieux textes. Alors que dans le théâtre contemporain, déjà dans le texte il est dit qu’ils sont dans des meubles Ikea ! Alors… C’était donc ça, ma crainte sur le théâtre contemporain. Mais je vais y venir…



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