de Robert Zemeckis (EU, 1h39) avec Tom Hanks...
Le plus grand mérite du Pôle express, c'est de donner crédit aux admirateurs de Robert Zemeckis (dont nous sommes...) en confirmant toutes les théories sur son œuvre, assez sous-estimée en général. Avec ce conte de Noël entièrement réalisé en images de synthèses photoréalistes (au générique, les acteurs sont crédités comme dans n'importe quel film en prise de vue réelles), le cinéaste pousse à son paroxysme sa vieille lubie du corps humain martyrisé. Corps dédoublés, vieillis et grimés (Retour vers le futur), propulsés au milieu des cartoons (Roger Rabbit), perforés et tordus dans tous les sens (La Mort vous va si bien), découpés en très gros plans presque abstraits (Apparences), doués de mimétisme historique (Forrest Gump) ou perdus dans un décor qui ne veut pas d'eux (Seul au monde, son chef-d'œuvre) : le cinéma de Zemeckis cherche toujours à réduire l'acteur à une chair malléable pour éprouver et repousser ses limites physiques. Dans Le Pôle Express, Tom Hanks peut ainsi être à la fois un gamin de 10 ans, un vieux fantôme dylanien, un contrôleur de train goguenard, un Papa Noël grommelant et une marionnette démoniaque... sans véritablement être physiquement à l'écran. Les enjeux théoriques sont passionnants, bien plus que la fable naïve racontée avec beaucoup, beaucoup de sucre et d'esprit de Noël (après Bad Santa, la transition est rude !), et un côté montagne russe parfois vertigineux (le "voyage" du ticket), parfois soûlant. C'est tout le paradoxe du Pôle express : à la fois grande œuvre malade et pop-corn movie pétant de santé, film expérimental et film pas expérimental du tout. CC