Spleen et Idaho

Musique / Escale lointaine le 27 février pour le Sirius qui confie ses amarres à Idaho, héraut culte d’un rock mélancolique réfractaire aux modes. À découvrir absolument. Stéphane Duchêne

«Fais tes cartons, Michael, t’es muté dans l’Idaho !». On n’a pas les chiffres, mais il se pourrait bien que cette injonction soit l’une des plus redoutées par le col blanc américain moyen, surtout s’il s’appelle Michael.
Prenez Mickaël Gelabale, basketteur français de NBA récemment relégué par son club des Seattle Supersonics dans les rangs de leur équipe réserve, les Idaho Stampede, où bras cassés et outsiders inachevés vont soigner leur inconstance. A l’annonce de la nouvelle, Mickaël Gelabale s’est logiquement mué en Mickaël «j’ai les boules» et l’a clamé haut et fort.
C’est que l’Idaho, état paumé du nord-ouest américain, est de ces endroits qui fleurent tellement bon le trou du cul du monde qu’on se pince le nez rien qu’à son évocation.
C’est pourtant l’une des plus belles régions de la planète : sauvage et dépouillée, au cœur des Rocheuses. Malédiction patronymique, Idaho, vrai-faux groupe éponyme engendré par le Californien Jeff Martin il y a plus d’une décennie, a toujours été solidaire de cette réputation difficile : triste à pleurer, ennuyeux comme un séquoia couché par l’orage, poussif comme un recours administratif, n’en jetez plus… Course à l’escargot
Au début des années 90, en compagnie de groupes comme Red House Painters ou Low (estampillé «groupe le plus lent du monde»), Idaho se livrait à une véritable course à l’escargot sous l’étiquette slowcore (ou sadcore). Il faut dire que la musique d’Idaho œuvre à rebours des standards pop internationaux : ici pas de tubes, pas de rythmes dansants, pas de riffs vengeurs.
Loin de dépoussiérer le rock, Idaho se roule dans la cendre. On dit généralement de ce type de musique «difficile» qu’il se mérite, s’apprivoise comme un pur sang. Plutôt bien d’ailleurs si l’on en croit le culte qui s’est développé autour de Jeff Martin jusqu’en Europe (ce dont l’intéressé ne cesse de s’étonner).
Car comme pour l’état du même nom, il y a une beauté pure dans la musique d’Idaho, qu’accompagne une véritable recherche musicale. Des grondements électriques de Year after Year (1993) aux claviers de The Lone Gunman (2005), les modalités d’approche varient au fil des albums, orageux ou intimistes, dépouillés ou savamment arrangés, mais le propos, lui, n’a jamais bougé d’un iota : comme Jean-Pierre Pernaut mais dans un genre différent, Idaho milite pour une esthétique de l’abattement (ici non fiscal).
Le genre qui conduit vers le détachement absolu propre aux invincibles et aux bonzes schopenhaueriens. Alors que sont réédités sur un seul et même disque The Forbidden ep et Alas, non distribués en France à leur sortie il y a une décennie et porte d’entrée idéale de l’Idaho, Jeff Martin en tournée française fait une halte au Sirius. Comme c’est gratuit, même en low cost vous ne trouverez pas meilleure occasion de visiter l’Idaho. IDAHO. Au Sirius, mercredi 27 février 2008. «The Forbidden Ep ~ Alas : Special Edition» (Talitres/Differ-ant)

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