Georges Adilon, la vie des formes

Portrait / Plusieurs lieux rendent hommage à l'artiste et architecte lyonnais Georges Adilon. L'occasion de découvrir les différentes facettes d'une œuvre à la fois simple, libre et émouvante. Jean-Emmanuel Denave

Dans un gymnase, sur une surface de papier de 52 mètres de long et 16, 56 mètres de large, Georges Adilon jette à pleins seaux quelque 800 kilos de peinture noire, l'étale, l'empâte, ou lui imprime la forme de larges tourbillons à l'aide d'un balai... Nous sommes en août 1984, l'artiste a 56 ans, et l'opération durera trois jours dont une première après-midi à dormir sur place. Orgueil ? Grandiloquence ? Volonté absurde de battre un record ? Bien au contraire. Adilon est un artiste modeste qui poursuit sur l'immensité blanche sa quête de la plus grande liberté possible (aux limites de l'impossible), conscient qu'un coup de pinceau jamais n'abolira le hasard, ni l'art tout court. Conscient aussi de s'inscrire au sein d'un flux pictural qui a déjà commencé et qui, de droit, n'a aucune raison de s'achever. Cette bourrasque de peinture noire aux différents reflets et densités, cette onde démente dépassant l'échelle humaine et ne représentant rien de précis, ne sera jamais exposée dans sa totalité mais par fragments. Le musée d'art contemporain en présente actuellement 1/6e sur trois pans de murs. Dans la même grande salle, on pourra découvrir d'autres œuvres d'Adilon de différentes époques, jusqu'aux plus récentes, celles de 2009, année de sa disparition. À la fin de sa vie, Adilon compose des rouleaux avec du papier d'imprimante où il peint, colle (tout ce qui lui passe sous la main : journaux, adhésifs, morceaux de papiers...), tâche, dessine... Comme autant de partitions musicales abstraites, sérielles, désarçonnant le regard par ses ruptures de rythme, ses syncopes, ses beautés poignantes ou fulgurantes, évitant toute harmonie trop attendue.Acte pictural, acte musical
Art informel, abstraction lyrique, expressionnisme abstrait...? Il serait facile de faire des rapprochements et d'enfermer Adilon dans une catégorie. Laissons-lui plutôt un peu de sa liberté et de sa singularité. Dans le film que lui consacre son fils, Blaise Adilon, l'artiste reconnaît d'ailleurs surtout l'influence de la musique et ne cite, rapidement, qu'une poignée de peintres : Le Greco, Goya et Yves Klein ! Il échappe aux classifications comme il refuse l'image, la forme tableau, brouille les frontières entre le dessin et la peinture, s'immisce entre différence répétition, joue de permutations et de recompositions aléatoires... En 1945, Adilon se forme à l'École des Beaux-Arts de Lyon où la figuration domine encore. Il s'en éloigne peu à peu au profit de l'abstraction. À la fin des années 1960, dans le midi de la France, il est frappé par les masses sombres de pins parasols et peint des séries de «boules» obscures, motif ovoïde qui l'accompagnera longtemps. Au début des années 1980, l'artiste abandonne définitivement l'huile et la toile pour n'utiliser plus qu'une laque noire industrielle et de grandes feuilles de papiers (feuilles qu'il utilise comme des modules pouvant être combinés ensemble, et notamment dans sa fameuse toile de 1984 composée de 720 feuilles de 92 cm par 130 cm). L'œuvre d'Adilon entremêle alors, d'un côté, le lyrisme, le geste libre, le hasard, et, de l'autre, une certaine rigueur, la structuration dans l'espace, le système itératif de ses matériaux.Architecture
On retrouve ce mélange de grande liberté et de rigueur dans l'autre voie d'expression artistique d'Adilon : l'architecture. «Faire de la peinture faire de l'architecture de la même façon et ne jamais imposer à mon entourage l'idée de l'artiste qui crée et dont il faut respecter le silence», écrit-il. Il débute l'architecture en autodidacte quand, en 1961, il entreprend de construire sa propre maison à Brindas. Suivront beaucoup d'autres commandes de particuliers et, surtout, le chantier, s'étalant sur une trentaine d'années en dialogue avec le Père Marc Perrot, des ensembles scolaires des Maristes à Lyon et à La Verpillière en Isère. Dans la grisaille du béton, Adilon poursuit ses partitions syncopées où les lignes ne sont (presque) jamais symétriques, où l'irrégularité, la courbe, la diagonale, l'échancrure, et l'arabesque luttent contre les tristesses de la logique commune et les carcans de la rationalité. À partir de bases toujours simples et structurées, Georges Adilon, architecte ou peintre, ne cesse de faire surgir et danser les formes et la matière, au plus près des forces qui les font vivre : hasard, élan, musique, poésie, trames réinventées d'espace et de temps... A voir :
Les expositions
-Les maisons de Georges Adilon jusqu'au 18 déc. Au CAUE
-Dessins et maquettes jusqu'au 24 déc. À la Galerie des projets
-Portrait et reconstitution d'atelier jusqu'au 15 janv. à la BF15
-Œuvres plastiques jusqu'au 31 déc. Au Musée d'art contemporainUn film documentaire
«Georges Adilon, l'œuvre au noir», un film de Blaise Adilon en DVD et en projection au MACVisites des sites des Maristes (sur réservation au 04 78 28 34) :
-Saint-Paul (les 4 et 11 déc. À 10h)
-La Solitude le 11 déc. À 10h
-La Verpillière le 18 déc. À 10h

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