Retour vers le futur

Vive le confort moderne

Mairie du 8e

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Au cœur de la cité Tony Garnier, le musée du même nom propose une délicate et précieuse immersion dans les balbutiements de la société de consommation, lorsque le culte de l’objet répondait à un besoin urgent d’hygiénisme et d’allègement des corvées. Nadja Pobel

Suce-poussière, thermoplasme électrique, frigidaire… Le confort moderne esquissé dans l’entre-deux-guerres renvoie tout d’abord à un vocabulaire au charme désuet - il désigne ici respectivement un aspirateur, une sorte de bouillotte guérisseuse et un frigo. Dans un espace à deux étages, anciennement un commerce de «nouveautés» du quartier, le musée urbain Tony Garnier présente un nombre importants de pièces d’époque mais évite l'écueil de la surabondance. Au contraire : entre panneaux d’informations, objets en vitrine et photos, il laisse place à la déambulation et à l’immersion.

Comment c’était avant ? Le XXe siècle naissant voit se mettre en application les préceptes d’hygiénisme pensés au siècle précédent. Le confort ne peut plus être réservé aux seuls riches, le travailleur y a droit aussi, comme le souligne dès 1904 un des fondateurs du mouvement HLM, Émile Cheysson. Dans les usines, les femmes ont remplacé les hommes partis au front, leur temps de ménagère doit donc être rationnalisé et leurs gestes sériés. Cuisine intégrée, grille-pain, mini-laveuse, cocotte-minute, aspirateur, moulin-légumes, fer à repasser, fer à friser… font dans cette optique leur apparition. Pièce phare de l’exposition : un Frigeco. C’est à l’époque un produit de luxe qui coûte le quart du prix d’une maison et constitue une révolution pour lutter contre les infections bactériennes. La praticité et la beauté se conjuguent. Le premier salon des arts ménagers se tient en 1923 et fait sensation. Cinq ans plus tard parait le premier Larousse ménager.

French American way of life

Ce développement du confort correspond aussi à l’essor de sociétés lyonnaises installées dans le 8e arrondissement comme Calor ou Paris-Rhône (fournisseur de démarreurs automobiles, d’aspirateurs…). Conçus pour durer, ces objets nouveaux ont tout de même une obsolescence programmée et des fonctions en option. La consommation de masse est en germe, mais aussi sa critique par les sciences humaines. L’homme est-il plus heureux grâce à ces progrès ? Les professionnels du marketing et la publicité - en plein boom - répondent évidemment par l'affirmative (cf. les nombreuses affiches dans l’expo), tandis que le magazine Science et monde imagine des téléphones sans téléphoniste et des parkings urbains bâtis comme des gratte-ciel - une vidéo montre même comment en 2000 «le cerveau électrique sera l’ami de la main» grâce au travail, à l'enseignement à domicile ou à la commande de fournitures pour ne plus avoir à faire les courses.

A l'heure d’Internet et de la consommation a tout crin, l'exposition propose une passionnante mise en abyme de nos pratiques, son sans pointer avec malice que, même si l'ensemble de la société se transforme, c'est toujours Madame qui fait la cuisine et Monsieur qui régle les factures !

Vive le confort moderne
Au Musée urbain Tony Garnier, jusqu’au dimanche 14 décembre
Rencontre avec Philippe Dujardin (politologue) et André Micoud (sociologue), mardi 25 mars à 18h30 à la mairie du 8e

 

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