Marion Bornaz, entre ombre et lumière

Marion Bornaz

Marché Gare

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Portrait / Le Clacson, le Marché Gare ou encore les Nuits Sonores, Marion Bornaz connaît la scène musicale lyonnaise sur le bout des doigts. Programmatrice, DJ, photographe, elle navigue entre les flashs de la scène et les fondus au noir des coulisses, entre jour et nuit, entre ombre et lumière.

Ancienne programmatrice du feu Clacson, légendaire scène rock d’Oullins, Marion Bornaz a gardé un pied dans la musique en tant que DJ, sous le pseudonyme de Maria Rockmore et au sein des collectifs Femmes aux Fourneaux et Dynastits. Mais cette fan de Chelsea Wolfe est surtout aujourd’hui photographe.

Cheveux courts, doigts tatoués et sourire communicatif. Marion est habitée par la bienveillance, l’humilité et l’humour : un océan d'ondes positives émane d'elle. « Tout a commencé quand j’avais dix ans : j’écoutais du punk rock » (rires). Elle brise la glace en un claquement de doigts. Et raconte son parcours musical sans ambage.

« Adolescente, comme beaucoup de gens, la musique a pris beaucoup de place dans ma vie. On avait des modems avec des forfaits 36 heures chez AOL, j’habitais à la campagne en Nord-Isère - on appelait ça “Nord-misère” - il n’y avait pas de concerts, pas de musiques indépendantes ou alternatives, je ne connaissais même pas ces mots d’ailleurs à l’époque. Je lisais des webzines et avec ma meilleure amie de l’époque Maud on s’est chauffées pour écrire, on était surexcitées d’interviewer les groupes qu’on adorait, on était un peu des groupies. J’écoutais beaucoup de punk rock, enfin plutôt du punk à roulettes, et du métal. Et au fur et à mesure j’ai découvert des trucs plus underground, j’ai commencé à comprendre qu’il y avait des groupes qui se produisaient différemment, qu’il y avait aussi un discours politique… »

Du “Nord-misère” à la scène alternative lyonnaise

Ce qui la mène tout naturellement à la MJC d’Oullins : « mon premier concert d’adolescente c’était Lofofora à la MJC d’Oullins, puis on n’a pas arrêté d’y retourner pour faire des interviews de groupes, ils faisaient beaucoup de métal à l’époque. À un moment l’équipe en a eu marre de nous voir traîner dans les coulisses et nous a proposé de devenir bénévoles. Pendant quatre ou cinq ans je n’ai pas loupé un concert. Ç'a été un lieu vraiment mortel en terme d’éducation et d’implication associative. »

La grande amatrice de guitares folk façon Robbie Basho et Karen Dalton parcourt aussi les scènes et lieux alternatifs lyonnais : « je suis venue faire mes études à 18 ans donc j’ai aussi découvert plein de petits lieux, la fin du Pezner à Lyon, après il y a eu le Kafé Myzik, qui était en fait l’ancien Kraspek, qui n’avait pas du tout la même configuration, où j’allais souvent, il y a eu plusieurs squats, petites salles ou café-concerts qui existaient dans les pentes, donc j’ai découvert tout cet univers-là, il y a eu les débuts de Grrrnd Zero aussi un peu plus tard. »

En 2006, on lui propose, de reprendre le poste de programmatrice de la MJC, qui deviendra le Clacson. Elle y reste huit ans. Parallèlement, elle fait déjà de la photographie « de façon très ponctuelle et anecdotique, je ne me suis jamais sentie l’âme d’une artiste mais j’avais envie d’exprimer des choses et la photo s’est installée dans le temps. » Jusqu’à ce que l’envie de changement se fasse sentir, que le moment se présente. « Ça m’a trotté dans la tête pendant deux, trois ans mais je n’osais pas y aller et puis j’avais un autre métier à côté… L’année où je savais que je ne pouvais pas rester au Clacson car ça devenait trop compliqué, je me suis dit : c’est le moment de switcher. »

Photographie d’auteur

Marion photographie peu mais bien : « j’ai une production “mince”, je ne suis pas une boulimique de l’image. J’ai suivi pendant trois ans un atelier d’accompagnement de projet photo à la MJC du Vieux-Lyon avec Sarah Mulot et la notion de photographie d’auteur m’a beaucoup parlé. Ca m’a donné cette logique et cette sensibilité et j’ai vraiment senti un déclic en terme de moyen d’expression de soi, de manière de regarder le monde. Ça correspond à ce que je suis : je ne suis pas quelqu’un de speed, j’aime bien regarder, me laisser porter, je suis beaucoup dans la contemplation. » Elle se revendique fan devant l'éternel des débuts de la photo couleur américaine : Eggleston, Joel Meyerowitz et Stephen Shore.

Fisheye Magazine, qui lui a décerné le premier prix de son concours en mai 2017 parmi 650 candidats, décrit ses photos comme « de beaux moments poétiques (...) On apprécie le ton chaleureux et la pudeur discrète avec laquelle la photographe se dévoile. »

Parmi ses obsessions, Marion évoque le rapport à l’autre « Je vais beaucoup chercher l’intériorité de l’autre. Ce qui me fascine c’est que je n’aurais jamais accès à l’autre et l’autre n’aura jamais accès à moi, je ne te connaîtrai jamais à 100% et il y aura toujours cette zone intérieure, cette zone d’ombre, secrète parfois même à soi-même. Ce qui se passe là, dans cet intérieur, je le guette beaucoup. C’est ce qui pose mon rapport à la photographie, comme une quête perpétuelle. Avec une sorte de mélancolie dans tout ça, il y a cette forme de question existentielle, à quoi ça sert ? qu’est-ce qu’on fait là ? qui on est ? »

L'évocation est son moteur

Marion s’inscrit dans une photographie sensible, loin de la performance technique et de la beauté classique. « J’ai un souci d’esthétisme qui peut se trouver dans quelque chose de bancal, de moche, même un peu raté, c’est un équilibre. Mon moteur est l’évocation. J’ai d’ailleurs souvent des photos qui marchent sous forme d’ensemble, elles se répondent entre elles et ça crée un univers, une ambiance, une humeur… c’est aussi tout ce qui a trait à l’invisible, les notions de surprendre, chercher, observer toutes ces petites choses, et ça passe beaucoup par la lumière. »

Mais l'amatrice du travail et de la liberté d'Anders Peterson maîtrise également la mise en scène. En témoignent les couvertures du magazine Hétéroclite, pour lesquelles elle a assuré la direction artistique de A à Z, comprenant travail en studio, retouche… sans perdre sa patte et ses motifs personnels : « les Unes qu’elle nous a proposées de septembre 2016 à juillet 2018 présentaient la diversité des corps et jouaient sur l’aspect équivoque des matières et des textures, révélant la charge érotique – souvent avec humour – d’éléments a priori anodins » résume Stéphane Caruana, directeur de la publication.

Dernier projet en date, l’exposition Foules Sentimentales, à l’occasion du chantier de rénovation du Marché Gare dans le cadre de la programmation “hors-les-murs” (expression qui prend tout son sens avec l’accrochage sur les grilles entourant le lieu) revient sur les temps forts de sa résidence de 2013 à 2018. « On aime sa filiation avec une certaine photographie humaniste. Une vraie amoureuse de musique, qui aime autant les artistes que le public, ou même les lieux. Ses photos captent l’intensité et la poésie d’instants traversés par d’intenses flux d’amour ou d’énergie » déclare Benjamin Petit, coordinateur du Marché Gare. « Les clichés de Marion montrent également des mises en scène de l’intime dans l’espace public, sans voyeurisme, avec une pudeur et une empathie généreuses. Ses photographies nous font aimer les gens, rendent la nuit belle et la fête plus humaine. » Amen !

Foules Sentimentales
Exposition autour du Marché Gare pendant la durée du chantier


Repères

2006 : Programmatrice du Clacson

2014 : Devient officiellement photographe

2017 : Remporte le premier prix du concours organisé par le magazine Fisheye

2018 : Première exposition solo En mon silence à l’Épicerie Moderne

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