Le réalisateur Oleg Sentsov emprisonné, Tatiana Frolova qui circule mais à qui l'administration de Moscou dit : « c'est bien ce que vous faites », « façon, de lui signifier qu'on sait ce qu'elle fait » commente Patrick Penot qui l'a souvent programmée à Lyon. Ainsi va la surveillance plus ou moins accrue dans ce pays. Kirill Serebrennikov est lui en résidence surveillée sans accès à Internet et au téléphone depuis un an.
Mais la création ne s'interrompt pas. Son film Leto, présenté à Cannes ce printemps, sortira le 5 décembre. À Zurich, sa version de Cosi fan tutte a été jouée ce mois-ci, avec des enregistrements vidéos des répétitions que son assistant lui faisait passer par son avocat sur clé USB. Le procès, à huis clos, a lieu en ce moment-même. Accusé d'avoir détourné environ 130 millions de roubles (1, 7M€) de subventions publiques destinées à son théâtre moscovite, il clame son innocence.
Des artistes prennent le relais avec force comme David Bobée, co-pilote d'un comité de soutien très actif. Le metteur en scène (qui sera aux Subsistances fin novembre avec la reprise de Warm) nous confiait le 22 novembre avoir très peu de nouvelles du procès : « souvent on se dit qu'il sera condamné - moins de 1% des procès pilotés par le pouvoir vont vers une relaxe, et là ils ne voudront pas perdre la face car le relaxer serait avouer les mensonges et la volonté de faire taire l'artiste - mais l'espoir serait qu'il soit condamné de façon rétroactive à la peine qu'il a déjà effectué en étant assigné à résidence chez lui. »
Depuis sa séquestration, ses soutiens lui ont obtenu la médaille des arts et des lettres (commandeur) et le CDN de Rouen que dirige Bobée va produire sa prochaine création pour le festival d'Avignon, qu'il soit présent ou qu'il ne le soit pas, « un spectacle sur la vie et l'œuvre de Ren Hang, artiste chinois qui a vécu les insultes et la censure des autorités toute sa vie et a fini par se suicider en 2017. »
La pression ne se relâche pas mais, poursuit David Bobée, « je pense que Poutine se fout complètement de l'opinion publique et encore plus de celle du milieu culturel international... mais au moins Kirill saura, sait, que ses frères et sœurs de par le monde ne sont pas dupes et que, même s'il est condamné, son honneur est sauf et sa parole, elle, reste libre. »