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Le sport : une autre Histoire
Par Stéphane Duchêne
Publié Mardi 11 février 2020
Photo : © DR
Les dieux du stade
Hippodrome de Parilly
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Fête du Livre de Bron / La politique et l'Histoire par le sport, voilà l'idée du dialogue proposé par Sylvain Coher et Judith Perrignon à travers Vaincre à Rome et L'Insoumis et ces deux figures de héros modernes que furent le marathonien Abebe Bikila et Mohamed Ali.
Que pourrait bien avoir en commun Abebe Bikila et Mohamed Ali, le coureur éthiopien et le boxeur de Louisville ; le modeste soldat de l'Armée d'Haïlé Sélassié et le déserteur superstar ; le petit homme discret et l'intarissable grande gueule ? A priori pas grand-chose.
Sauf peut-être les Olympiades de Rome de 1960, année où 17 pays africains accèdent à l'indépendance. Comme un symbole, l'épreuve la plus olympique de toute, celle du légendaire Philippidès, soldat lui aussi, y est remporté par l'inconnu éthiopien Abebe Bikila, qui court pied nu sur le goudron car les chaussures lui donnent des ampoules. Quant à l'épreuve du plus noble des sports, rejeton de l'antique pugilat, elle est remportée en catégorie mi-lourds par un descendant d'esclave baptisé Cassius Clay.
Des victoires qui changeront leurs vies mais aussi la face du monde. En accélérant devant l'obélisque d'Axoum, vestige de la conquête de l'Éthiopie par l'Italie fasciste, et en triomphant au Stade Olympique de Rome, Bikila offre une revanche à son pays et à toute l'Afrique — il est le premier Africain champion olympique —, une victoire sur la condescendance eurocentrée.
Sous la sueur
Avec son titre Clay entre lui aussi dans une autre dimension, du moins le croit-il. En rentrant au pays on lui interdit, à lui le champion olympique américain, l'entrée d'un restaurant interdit aux Noirs. Meurtri, il jette sa médaille dans la rivière Ohio, se rapproche de la Nation of Islam — qui revendique un territoire noir-américain indépendant — se convertit et change son nom d'esclave pour Mohamed Ali.
Ces deux histoires Sylvain Coher et Judith Perrignon nous les content dans Vaincre à Rome et L'Insoumis. Le premier, d'une grande poésie, nous invite, en temps réel, celui du marathon, dans la tête de Bikila et son flux de pensée, à mesure que défilent les kilomètres et que la victoire se dessine dans la nuit romaine.
La seconde livre un récit-enquête percutant, riche de témoignages sur la personnalité du boxeur, pour pointer l'envers de l'Histoire et de l'attachement d'Ali à la Nation. Comme par exemple la génèse, quelque peu dévoyée par la postérité, de la phrase culte justifiant son refus de combattre au Vietnam : « Aucun Viet-cong ne m'a jamais traité de nègre ». Deux splendides livres sur la dimension romanesque et épique du sport. Deux livres où, sous la sueur, triomphe le politique. Et l'avènement d'un monde nouveau.
Les Dieux du Stade : dialogue avec Sylvain Coher et Judith Perrignon
À la Fête du Livre de Bron (Hippodrome de Parilly - Salle des Balances) le dimanche 16 février à 13h
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